REFORME des AIDES SOCIALES en FRANCE – 2ème partie (2022)

REFORME des AIDES SOCIALES en FRANCE – 2ème partie (2022)

Une partie des Français émettent des critiques à l’encontre des allocataires du RSA(-socle) (#rsa), qualifiés d’« assistés », et même parfois à l’encontre des allocataires de prestations sociales qu’ils ne perçoivent pas eux-mêmes (#sop). Certains membres des élites, en particulier dans les partis politiques, ont aussi fait de la dénonciation de l’« assistanat » un marqueur idéologique, les campagnes électorales de 2007 ayant même été virulentes sur ce point, tandis que 2 candidats de la campagne présidentielle de 2022, dont le Président de la République (PR) lui-même, ont exprimé le souhait de réformer le dispositif du RSA(-socle), le Président-candidat dans le cadre d’une réforme de grande ampleur. Mais une telle réforme avait déjà été annoncée en 2018 et notamment commentée dans « Réforme des aides sociales en France – 1ère partie (2018-2019) ».

A la différence de l’article précité, plus technique, celui-ci met l’accent sur la confrontation des valeurs sous-jacentes à diverses positions exprimées dans le débat public sur ce sujet, fait une estimation des prestations financières et « en nature » octroyées aux allocataires du RSA(-socle) en particulier, et confronte des analyses économiques sur l’impact de certaines mesures envisagées pour la reprise d’activité des allocataires, dont une partie passent cependant depuis longtemps d’un statut à un autre (prime d’activité).

Il faut noter que les réformes annoncées n’ont pas été clairement articulées jusqu’à présent avec la « stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté » lancée en 2018, même si celle-ci comprenait un volet d’« accompagnement renforcé » des allocataires du RSA(-socle) et un projet de « revenu universel d’activité ».

Par ailleurs, aucun des articles publiés sur ce site n’est politiquement orienté, tout au moins par rapport aux mouvements ou partis politiques existant en France ou ailleurs, sauf à l’encontre du parti lR, qui a pris depuis longtemps des positions très méprisantes vis à vis des allocataires du RSA(-socle.

(#rsa) Depuis la création de la prime d’activité, issue de la fusion de la prime pour l’emploi et du RSA-activité en 2016, le revenu de solidarité active (RSA) ne recouvre plus que le RSA(-socle), mais on conserve l’ancien terme dans cet article car il évite toute confusion.

(#sop) On peut ainsi interpréter le jugement négatif quant à son efficacité d’une majorité de sondés (55 %) sur une seule des 10 mesures évaluées dans le cadre d’un sondage d’Odoxa concernant le « projet de loi sur le pouvoir d’achat », alors en discussion à l’Assemblée nationale, « le chèque alimentaire de 100 € pour 8 millions de foyers ». A moins que cela soit considéré comme insuffisant, mais cela correspond à environ 4 mois d’application de la hausse de 4 % du RSA(-socle) aussi incluse dans ce projet de loi.

(#elit) Par « élites », on entend les personnes et institutions dont les avis font autorité et qui sont largement propagés du fait de leur statut, qu’il s’agisse de politiciens, experts reconnus, économistes, médias…, en admettant qu’elles ne sont pas d’accord sur tous les sujets et que certaines ont parfois raison, mais rarement quand le terme est employé sur ce site. Il ne s’agit pas d’une critique des « élites » en général ou extensible à d’autres domaines, mais leurs discours et idéologie requièrent d’autant plus l’attention qu’elles ont la capacité de mettre en place des politiques conformes à ces discours et idéologie.

(#PR) Cet acronyme, qui sera utilisé au long de l’article, n’a rien d’irrévérencieux dans la mesure où il est employé par l’entourage du Président de la République lui-même. Le titre complet est trop long pour des citations fréquentes, comme c’est le cas dans cet article, et d’ailleurs, la presse britannique désigne par exemple aussi le Premier ministre par « PM ». On utilise aussi « Président-candidat » pour distinguer des propositions de campagne, souvent approximatives.

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SOMMAIRE

INTRODUCTION

I. SENTIERS de REFORMES des ALLOCATIONS SOCIALES

1.1. JUSTIFICATIONS des REFORMES

1.2. ORIENTATIIONS et AXES de REFORMES

1.3. COUT BUDGETAIRE ANNONCé des REFORMES

II. ETATS du « QUOTIDIEN »

2.1. AIDES SOCIALES LOCALES

2.2. DEPENSES « CONTRAINTES » et « RESTE A VIVRE »

2.3. INANITE de la FUSION du « CHEQUE ENERGIE » dans un « REVENU UNIFIE »

III. « VALEURS » MORALES et IDEOLOGIQUES et « VALEUR-TRAVAIL »

3.1. Un RENONCEMENT à l’HUMANISME

3.2. Un RECUL de l’EQUITE et de la « DIGNITE » FONDé sur le MEPRIS

3.2.1. Un extraordinaire quiproquo sur la notion de « dignité »

3.2.2. L’injuste prix du travail

3.2.3. Le déni de l’employabilité

3.3. …QU’un PRETEXTE de GENEROSITE SOCIALE NE SUFFIRAIT PAS à MASQUER

3.4. DECOHESION SOCIALE et INJUSTICE POURRAIENT S’AGGRAVER

IV. SITUATIONS VIS A VIS du MARCHE du TRAVAIL et EFFETS POTENTIELS des REFORMES

4.1. Des CONTRAINTES peu PROPICES à la REPRISE d’une ACTIVITE DURABLE

4.1.1. Un chemin semé d’impasses

4.1.2. Le cadre légal des incitations existe déjà, mais les moyens manquent

4.1.3. Manque de participation des allocataires du RSA(-socle)

4.2. REINSERTIONS CONCURRENTIELLES

4.2.1. Les aléas des investissements dans l’insertion professionnelle

4.2.2. Mirages de l’éducation et embouteillage des formations

4.3. Des DISCRIMINATIONS VIRULENTES sur le MARCHE du TRAVAIL

4.3.1. La responsabilité des employeurs dans l’exclusion du marché du travail

4.3.2. Les discriminations cumulatives vis à vis de l’âge et de l’exclusion sociale

4.3.3. Une nouvelle hiérarchie des discriminations

BIBLIOGRAPHIE


 

I. SENTIERS de REFORMES des ALLOCATIONS SOCIALES

1.1. JUSTIFICATIONS des REFORMES

Quatre principaux aspects ont été invoqués par le PR, ses gouvernements et la majorité parlementaire (05/2017-04/2022) pour justifier une réforme des allocations sociales :

* « l’opacité et la difficulté d’accès »

* « l’équité »

* la dépense publique (et éventuellement la modernisation de l’action publique)

* « la désincitation du travail »

Ce dernier aspect révèle que seul le RSA(-socle) est vraiment la cible d’une éventuelle réforme, malgré la remarquable quasi-stagnation des dépenses qui lui sont consacrées par les départements, au moins depuis 2017 (en incluant les dotations compensatoires qui leur sont versées par l’État), de même que le nombre d’allocataires, hormis en 2020. Le PR, ses gouvernements et la majorité parlementaire, pouvaient en effet difficilement incriminer les autres principales allocations qu’ils ont substantiellement revalorisées depuis 2017 : prime d’activité, allocation adulte handicapé (AAH), allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA), même s’il est possible d’apporter des corrections à ces dispositifs et si « simplifier et unifier » est toujours tentant pour « combattre la bureaucratie » (#rra). Mais la « simplification » peut être sœur de l’iniquité et s’avérer contre-productive (voir « 2.1. Aides sociales locales »).

Le présent article passe surtout en revue 2 des précédents aspects, « l’équité » et « la désincitation du travail », car les modalités de calcul des allocations et leur place dans les dépenses publiques, mais aussi « l’opacité et la difficulté d’accès », ont été analysées dans « Réforme des aides sociales en France – 1ère partie (2018-2019) ». Les montants financiers ont changé, mais pas l’architecture. Toutefois, il faut prendre en compte d’autres aspects, qui ne s’inscrivent pas nécessairement dans la rhétorique institutionnelle ; d’autre part, une situation concrète comme le non-recours peut à la fois « être expliquée » par l’« opacité » supposée des procédure et être traitée au nom d’un principe général comme l’« équité ».

(#rra) On pourrait objecter que le RSA(-socle) a aussi bénéficié d’augmentations au cours du quinquennat précédent (05/2017-04/2022). Mais elles étaient bien moindres que celles des autres minima sociaux et ont notamment procédé de l’indexation sur l’inflation ou de décisions de revalorisation antérieures. Les revalorisations qui devraient être avancées au 1/07/22 des pensions de retraite, du SMIC et des minima sociaux, liées au regain d’inflation, dans le cadre de ka loi Mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, ne sont pas non plus spécifiques.

1.2. ORIENTATIIONS et AXES de REFORMES

Sans prétendre déceler de nouveaux mouvements d’opinion, des recommandations de la Cour des comptes émises en février 2022 semblent s’inscrire dans un mouvement des élites sur la réforme du RSA(-socle), qui a toutefois pu être récemment pondéré par les hausses de prix de produits de grande consommation et le sentiment qu’elles devaient être au moins partiellement compensées pour les plus pauvres:

* Sur la réduction des dépenses publiques : « Le respect de cette trajectoire impose la mise en œuvre de réformes visant,… à infléchir le rythme de la dépense tout en améliorant son efficience . Les secteurs identifiés comme prioritaires sont le système de retraite, l’assurance maladie, la politique de l’emploi, les minimas sociaux et la politique du logement ».

Les 3 derniers « secteurs » bénéficient beaucoup plus aux catégories sociales les plus pauvres, et hormis les retraites, ce ne sont pas les postes où les écarts les plus significatifs dans la répartition des dépenses publiques sont constatés avec des pays comparables.

* Sur le RSA:

« Supprimer les dernières configurations de désincitation à l’activité causées par les barèmes des aides. ».

« Améliorer la connaissance des aides connexes locales afin d’identifier l’existence d’éventuels effets dissuasifs vis-à-vis de l’activité dans les territoires ».

« Sanctionner systématiquement les manquements avérés aux obligations du contrat liant l’allocataire et son organisme d’accompagnement. »

Trois principaux axes de réforme ont été mis en avant par le Président-candidat, notamment à l’occasion de la dernière campagne présidentielle:

* le « versement automatique des allocations », censé annihiler le non-recours (voir aussi « Jusqu’où automatiser la gestion des allocations sociales ? »)

* l’« unification des allocations », avec de nouvelles modalités de calcul, censée résoudre d’éventuelles iniquités et « améliorer leur lisibilité » (voir aussi « Projets d’« unification des allocations sociales » et de revenus dits « universels » »)

sachant que le « versement automatique » constitue plutôt un masquage et que plus on agrège, plus c’est injuste

* l’« obligation d’effectuer des heures d’activité » pour les allocataires du RSA(-socle) pour parer une éventuelle « désincitation du travail »

Les deux premiers ont déjà été analysés dans les articles précités sur ce même site, mais sont à nouveau évoqués dans le présent article.

1.3. COUT BUDGETAIRE ANNONCé des REFORMES

Au cours d’un entretien dans le journal de France2, le 21/04/22, le Président-candidat, a déclaré que la réforme envisagée de « versement automatique des allocations » (dite « à la source ») – en incluant probablement un changement des modalités de calcul – coûterait…, en fait ce n’était pas très clair : « …neutre dans les 2-3 premières années [après 2024-2025]…, à l’équilibre en 2027…, 2 à 3 Mds€ à horizon…du quinquennat… »…

La « lutte contre la fraude » devrait participer à l’équilibre budgétaire de cette réforme, bien que la présentatrice ait fait observer que cela ne suffirait pas. La « lutte contre la fraude » relève d’ailleurs de mesures techniques indépendantes et plus rapidement applicables, comme la vérification des comptes bancaires par les organismes de sécurité sociale. Mais dans une version extrême, se dérober à une « obligation d’heures d’activité » imposée à des allocataires du RSA(-socle) pourrait constituer une fraude (voir « III. « Valeurs » morales et idéologiques et « valeur travail » »).

Dans un rapport de juin 2018 (voir un résumé dans « Réforme des aides sociales en France – 1ère partie (2018-2019) »), l’Institut des politiques publiques avait estimé les coûts supplémentaires de :

* l’« automaticité du versement » sans modification du système à 2,9 Md€ annuels, en misant sur un taux de recours de 100 %

* la fusion du « RSA » de la prime d’activité et des « aides au logement » au sein d’un « revenu de base » à 8,6 Md€ annuels

D’autre part, des simulations de réformes à budget constant, effectuées par France-stratégie, organe d’études rattaché au Premier ministre, avaient conclu en juin 2018 (selon plusieurs médias) à un nombre de perdants (3,55 millions de ménages) supérieur à celui des gagnants (3,3 millions), mais sur un périmètre d’allocations plus large, incluant aussi l’allocation de solidarité spécifique (ASS) pour les chômeurs en fin de droits, l’AAH, l’ASPA etc.

Comme on l’a suggéré précédemment, il n’est guère envisageable que l’AAH, l’ASPA (#crf) et la prime d’activité ou les composantes correspondantes d’une « allocation unifiée » soient rognées d’une manière ou d’une autre, d’autant que le Président-candidat s’est engagé à revaloriser la pension de retraite minimum du secteur privé (« minimum contributif ») à « 1100 € par mois », par rapport à 713 € bruts par mois actuellement. Par contre, les allocations-logement et le RSA(-socle) pourraient être réduits ou délivrés à moins d’allocataires (#rra).

Selon Norbert Fanchon, président du groupe de promotion immobilière Gambetta, la recherche du maintien d’un budget constant pour le « revenu universel d’activité » (« RUA »), tel qu’envisagé par le gouvernement en 2019, par rapport au coût cumulé du RSA(-socle), de la prime d’activité et des allocations-logement, conduisait plutôt à « réduire le montant du RUA », au détriment de ceux percevant les allocations-logement et « ayant un emploi », notamment pour compenser l’augmentation du recours au « RUA » par ceux qui ne demandaient pas le RSA(-socle) et la prime d’activité.

Dans le cadre de cet article, on ne s’intéresse cependant qu’aux seuls allocataires du RSA(-socle), bénéficiant en général aussi des allocations-logement et d’autres suppléments éventuels – en fonction de seuils de revenus comme les autres allocataires de minima sociaux – car l’allocation principale, le RSA(-socle), constitue l’essentiel de leurs revenus et ils seraient les principales cibles d’éventuelles réformes. En fonction des conditions d’obtention et des modalités de calcul de l’allocation, ils sont aussi censés être les plus pauvres parmi les allocataires de prestations sociales (#mhr). On met l’accent sur les préjudices qu’ils subiraient en cas de réduction de leurs ressources et/ou d’ « obligation d’heures d’activité » et sur les implications sociales de tels préjudices.

(#crf) Cet évitement était d’ailleurs explicite dans l’un des rapports de France-stratégie : « Qu’aucun euro de prestation bénéficiant aujourd’hui aux populations handicapées et leur famille ne soit déplacé vers d’autres ménages, et réciproquement. Idem pour les personnes âgées ».

(#mhr) S’ils sont a priori en majorité dans les 5 % dont les revenus disponibles bruts sont les plus faibles, ils sont alors aussi ceux dont les revenus disponibles bruts ont le moins progressé en moyenne au cours du précédent quinquennat (05/2017-04/2022).

II. ETATS du « QUOTIDIEN »

Les réformes du RSA(-socle), telles que souhaitées ou fantasmées par une partie de la population, éprouvant éventuellement un sentiment de lésion vis à vis de la distribution des aides publiques ou de ses contributions fiscales, et par une partie des élites, sont aussi motivées par la crainte d’un choix de vie de la part des allocataires du RSA(-socle), qui ne serait pas assez inconfortable pour inciter à travailler.

2.1. AIDES SOCIALES LOCALES

Une étude de Denis Anne et Yannick L’Horty (Université Gustave Eiffel), parue en avril 2022, a dressé « un inventaire des « droits connexes » et aides sociales accessibles localement aux bénéficiaires du RSA dans 20 villes françaises, dont Paris, Lyon et Marseille : restauration scolaire, centres de loisir, aide aux vacances, prise en charge d’impayés, aide au transport et à la mobilité, tarifs sociaux des équipements collectifs (piscine, musée, etc.). Ces aides sont accordées sous conditions de ressources et/ou sous conditions de statut lorsqu’elles sont réservées à certains types de population (demandeurs d’emploi, familles nombreuses, allocataires du RSA, personnes en situation de handicap, etc.)…la priorité accordée à l’enfance est un trait commun des prestations locales : elles sont partout beaucoup plus élevées, et plus régulières, pour les ménages avec enfants. ».

Mais l’étude n’indique pas les taux de recours à ces prestations. D’ailleurs, « De façon générale, cette étude ne mesure pas les montants d’aide effectivement perçus par les ménages bénéficiaires, mais estime les droits généraux ouverts en fonction du niveau de ressources d’un ménage type…rien ne garantit que les aides recensées soient systématiquement perçues par chaque bénéficiaire potentiel… Du fait de la multiplicité des offreurs d’aides, du manque d’information des demandeurs et de la complexité des conditions d’attribution, il est probable que les situations de non‑recours soient plus fréquentes pour les aides locales que pour les aides nationales. ».

Il est en fait certain qu’une partie des allocataires du RSA(-socle) n’ont jamais entendu parler d’une partie des aides, en particulier ceux qui n’ont pas d’enfant, malgré les contacts réguliers dans les centres communaux d’action sociale (CCAS).

De surcroît, demander de telles aides n’a rien d’évident sur le plan psychologique car elles peuvent paraître trop généreuses ou inadaptées à des bénéficiaires potentiels (par exemple pour les vacances) et il serait étonnant qu’un gouvernement décide de les verser automatiquement tout en déplorant parallèlement le faible taux de réinsertion des allocataires de minima sociaux, comme l’a fait le PR en 2018.

L’étude relevait que « Dans une même localité, il existe généralement autant de barèmes différents qu’il existe de prestations différentes. Pour une même prestation, il existe souvent autant de barèmes différents que de localités. ».

Toutefois, du point de vue du retour à l’emploi qui préoccupe les auteurs, les conditions sont aussi très différentes, sinon encore « plus différentes » entre les localités. Par rapport aux variations du coût de la vie, certains hauts fonctionnaires et économistes n’ont-ils pas prôné le retour à un salaire minimum par zone géographique ?

Il serait aussi intéressant d’analyser la corrélation entre les aides et l’objectif de retour à l’emploi. Il est par exemple douteux qu’elle soit très forte pour un accès au théâtre à tarif réduit ou même gratuit.

Que des communes veuillent ajouter aux allocations nationales des suppléments en fonction de leurs politiques générales, par exemple la promotion de la culture à travers un accès gratuit à des équipements culturels ou à des activités sportives pour des enfants, dont chacun peut comprendre l’utilité pour la cohésion sociale et la santé publique, n’a rien de scandaleux.

Dans la mesure où elle succède à des études similaires de 2001 et 2007, celle-ci constatait la raréfaction des barèmes « non dégressifs » – qui imposaient un arrêt des aides à partir du franchissement d’un certain seuil de ressources – et l’instauration de dispositifs permettant une baisse des aides plus régulière selon le revenu.

Mais cette étude pêchait aussi par des « trappes d’aveuglement ». Par exemple, « L’extinction de l’aide au transport explique ainsi la trappe [#tap] constatée pour une personne seule ». Or, il y a bien pour les salariés un substitut aux aides publiques aux transports: la prise en charge des frais de transport par l’employeur, qui n’a pas du tout été intégrée dans l’étude.

Sa plus grosse faille était cependant de ne pas exposer les montants de perte des aides locales en fonction des niveaux de revenu d’activité, et éventuellement des ressources totales. Cela permettrait peut-être de relativiser l’ampleur des « trappes » (#tap), un indicateur tape-à-l’oeil et peu pertinent, soit les écarts entre les revenus d’activité annuels correspondant au « début » et à la « fin » des « trappes » (sur des échelles de revenus), ensuite convertis en nombre d’heures de SMIChebdomadaires. En effet, ces écarts ne traduisent pas du tout les montants de perte d’aides sociales.

Une tentative de reconstitution dans le cadre de cet article à partir des données de l’étude (Figure 1 : « Montant des aides par type de ménage selon le revenu d’activité (en moyenne sur les 20 localités, données 2020) ») montre par exemple qu’une personne seule, si elle avait reçu toutes les aides sociales possibles (nationales et locales), aurait perçu en 2020 :

* sans revenu d’activité, soit avec le RSA(-socle): 11 083 €

* avec 1/2 SMIC : 7320 € + 6352 € d’aides = 13 672 € nets

* avec 1 SMIC : 14 640 + 3355 € d’aides = 17 995 € nets

Par ailleurs, si le « versement automatique des allocations » a un côté très reluisant, l’intervention de services locaux comme les CCAS est nécessaire car elle permet de mieux apprécier la réalité des situations individuelles et des besoins réels des personnes pauvres, indépendamment des politiques de réinsertion, comme le soulignait un rapport du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale en 2012.

D’autre part, il peut y avoir une coordination entre les niveaux national et local, par exemple quand certains organismes de transport régionaux sont régulièrement et automatiquement informés de la situation des allocataires par les Caisses d’allocations familiales pour accorder des réductions tarifaires ou la gratuité des transports.

(#tap) Sur la notion spécieuse de « trappe à pauvreté », voir « Trappe à pauvreté : histoire d’un contresens ».

2.2. DEPENSES « CONTRAINTES » et « RESTE A VIVRE »

En fait, parmi les aides sociales locales évoquées dans le précédent paragraphe, seules les aides complémentaires au logement, celles pour les transports et éventuellement l’énergie, sont vitales. Les autres sont optionnelles – hormis pour les enfants – certes susceptibles de compenser des privations ou frustrations, mais elles n’éludent pas la maigreur du « reste à vivre » (#dri), ou plutôt du « reste à survivre », une fois retranchées des dépenses « contraintes » minimales.

Celles-ci doivent être précisées en raison d’un sentiment assez répandu de baisse du « pouvoir d’achat » qui n’était pas confirmé par les études des instituts économiques, dont celle précitée de l’OFCE, avant la remontée des prix à la consommation en 2021 selon un taux inédit depuis 2008. A notre époque, on met en effet beaucoup de choses dans les « dépenses contraintes », de sorte que le « reste à vivre » serait équivalent à celui d’une majorité d’allocataires du RSA(-socle)pour des niveaux de revenus beaucoup plus élevés.

On peut se référer aux dépenses pré-engagées selon l’INSEE (#ede):

* loyer et charges locatives

* abonnements à l’eau courante et d’énergie nécessaires pour le chauffage, l’eau chaude et l’alimentation des appareils domestiques

* abonnements de télécommunications (mobile et Internet sans télévision car la TNT est gratuite)

* assurance-habitation, responsabilité civile et celle d’un véhicule éventuel pour se déplacer

* abonnement de transports en commun à l’échelle régionale – dont la gratuité sous condition de ressources dans certaines régions permet de rechercher du travail – ou les frais d’essence pour ceux qui n’y ont pas facilement accès (#dhi)

* frais de services financiers (compte bancaire…)

Si l’on prend l’exemple d’une personne seule, la soustraction de la part des dépenses précitées qui n’est pas prise en charge, en particulier le solde des loyer et charges, de la somme du RSA(-socle), d’environ 500 € par mois selon le barème, des allocations-logement, du chèque énergie (#dcn), mais aussi des aides locales complémentaires pour le logement et l’énergie, laisse environ 200 € par mois, bien que ce montant puisse varier en fonction des dépenses précitées et des aides locales. Qui peut prétendre que ce « reste à survivre » est confortable, alors que l’on n’en a pas encore retranché l’essentiel, les frais d’alimentation, mais aussi des dépenses courantes inévitables (hygiène, entretien du domicile, frais de santé non pris en charge…), le remplacement d’appareils défectueux et même des vêtements ?

(#dri) L’INSEE emploie pour sa part la notion de « revenu arbitrable après déduction des dépenses pré-engagées du revenu disponible ».

(#ede) On exclut ici l’abonnement à la cantine pour les enfants car les ménages avec enfants perçoivent des allocations familiales et une allocation de rentrée scolaire qui modifient les ressources. Leurs dépenses présentent d’ailleurs une structure spécifique.

(#dhi) Les dépenses de transport ne font pas partie des dépenses pré-engagées selon l’INSEE.

(#dcn) Le chèque énergie fait cependant partie des « droits connexes » nationaux avec la prime de Noël et la couverture sociale santé. Il a commencé à être délivré aux ménages à bas revenus en 2018, à l’initiative du Ministère de la transition écologique et solidaire, en remplacement des tarifs sociaux de l’énergie appliqués par les fournisseurs d’énergie.

2.3. INANITE de la FUSION du « CHEQUE ENERGIE » dans un « REVENU UNIFIE »

Si l’on prend l’exemple du chèque énergie (#dcn), le seul critère d’un revenu correspondant à un minimum social (RSA(-socle)…) pour en bénéficier serait trop restrictif, tandis que le montant maximal de ce chèque est insuffisant pour prémunir ceux qui perçoivent un tel revenu de la précarité énergétique, ce qui justifie qu’ils puissent recourir à des allocations complémentaires, a priori auprès de collectivités locales.

Mais la diversité des situations, la difficulté de déterminer à l’avance les besoins énergétiques, l’adéquation d’une politique globale, en partie hors du champ des organismes sociaux, et de politiques locales pour traiter cette problématique,… empêchent que de telles prestations soient agrégées dans un « revenu unifié » versé mensuellement.

Le montant du « chèque énergie » pourrait être étalé sur douze mois, mais cela ne contribuerait pas à la clarté pour les allocataires à moins de présenter le « revenu unifié » comme un « bulletin de salaire ». Ce serait encore plus compliqué en fonction des modalités actuelles d’utilisation du chèque énergie: choix du fournisseur, l’exclusivité de ce fournisseur constituant d’ailleurs un défaut, travaux de rénovation…En plus des critères de revenu fiscal de référence et de composition familiale, distinguer le barème du chèque énergie selon que l’on perçoit ou non un « revenu unifié » introduirait de la complexité, éventuellement justifiée par des montants supérieurs.

D’autre part, il faudrait aussi trouver des modes d’harmonisation avec les aides qui sont versées aux propriétaires de leur logement pour la rénovation de leurs équipements de chauffage en particulier, dont les plafonds de ressources pour en bénéficier sont très supérieurs à ceux des minima sociaux (environ 25 714 € pour une personne seule en Ile-de-France en 2022).

III. « VALEURS » MORALES et IDEOLOGIQUES et « VALEUR-TRAVAIL »

3.1. Un RENONCEMENT à l’HUMANISME

Les contours des dispositions susceptibles de dériver du slogan démagogique de l’« obligation d’heures d’activité » pour les allocataires du RSA(-socle) sont méconnus et plusieurs versions cohabitent dans les discours. Mais le caractère obligatoire d’« heures d’activité » conduirait nécessairement, en cas de refus de la part de l’allocataire, à la privation ou la suspension ou la réduction de l’allocation de survie, aujourd’hui le RSA(-socle), et/ou de prestations complémentaires. Dans la mesure où ces aides sociales sont calculées au plus juste et ne laissent aucune « marge » à l’allocataire (#pcr, voir aussi chapitre précédent), il s’agirait d’une condamnation à la déchéance matérielle, à une expulsion probable du logement pour ceux qui en disposent et à d’autres ignominies (faim, mendicité, absence de domicile fixe…). Or, si s’attaquer aux plus faibles est une inclination fréquente des sociétés autoritaires, les sociétés démocratiques y trouvent un substitut à de grands projets et, dans certains contextes, des réformes facilitées par leur caractère démagogique.

Certes, le RSA(-socle) n’a pas toujours existé, mais cet immense progrès social n’a probablement pas été salué à sa juste mesure lors de la création du RMI, son prédécesseur, en 1988. Toute amputation constituerait une régression, non pas seulement sociale, mais de l’humanisme en raison de ses conséquences sur la vie des individus affectés. Une longue trajectoire de progrès social, qui ne fut toutefois pas linéaire, serait brisée . Le travail est-il même obligatoire en prison ?

Le slogan du Président-candidat en 2022, « Plus heureux et plus forts tous ensemble », prendrait un goût amer pour ceux qui perdraient leurs derniers espoirs et moyens de survie, dans une préfiguration de société futuriste se débarrassant de ses citoyens inutiles pour préserver ses petits bonheurs.

Dans certaines périodes de l’Histoire, on peut croire à raison que le bien s’oppose au mal, notamment quand des gouvernements et des peuples s’abritent derrière leur exception culturelle ou des intérêts supérieurs pour commettre des crimes ou les ignorer. De manière générale, on peut opposer sur ce même axe les démocraties aux dictatures. Mais on ne perçoit pas toujours les entorses aux droits civils ou aux libertés publiques qui surviennent dans le camp des démocraties, des défenseurs des droits humains et des libertés ou des partisans de la seule violence légitime en lutte contre la tyrannie. C’est ainsi le cas des régimes d’exception dans de solides démocraties.

Les contraintes imposées aux chômeurs de longue durée britanniques depuis les années 2010 constituent de telles violations puisque « Toute personne sans emploi depuis au moins deux ans doit, pour continuer à percevoir ses indemnisations, soit effectuer des travaux d’intérêt général, soit se rendre tous les jours dans son agence pour l’emploi, soit suivre les formations proposées par son job coach. » (voir aussi « Projets d’« unification des allocations sociales » et de revenus dits « universels »). Le caractère absurde de la 2ème option en souligne l’intention punitive.

Dans le contexte français, où persiste un culte de l’excellence et de la hiérarchie des « talents », qui passe par d’autres voies que la seule récompense financière, instaurer le travail forcé consisterait-il à solidifier cette hiérarchie ou au contraire à en nier les effets pervers et l’exclusion qui peut en résulter ? Toutefois, le culte de la performance n’est pas propre à la France et plusieurs pays européens et anglo-saxons ont cherché à traiter cet enjeu social.

(#pcr) Les aides complémentaires offertes par certaines collectivités locales peuvent paraître moins essentielles, hormis les aides complémentaires au logement, celles pour les transports et éventuellement l’énergie (voir « II. Etats du « quotidien » » ci-dessus). Mais priver par exemple d’accès gratuit à des équipements collectifs serait d’une mesquinerie ridicule.

3.2. Un RECUL de l’EQUITE et de la « DIGNITE » FONDé sur le MEPRIS

3.2.1. Un extraordinaire quiproquo sur la notion de « dignité »

L’autoritarisme s’accompagne souvent de moralisme. Les membres des élites, qui soutiennent l’« obligation d’activité » pour percevoir le RSA(-socle), invoquent aussi souvent la « perte de dignité » qui résulterait de l’absence de travail, entretenant une confusion avec la misère, que la privation de l’allocation de survie provoquerait justement. Une telle rhétorique moraliste relève d’une ignoble tartufferie.

« Avoir assez d’argent pour joindre les deux bouts est affaire de dignité humaine » selon une citation extraite d’un rapport de l’Université d’Oxford sur les droits et devoirs dans le système de sécurité sociale britannique.

La question du rapport entre travail et dignité mérite toutefois justement d’être soulevée et même placée au centre de la réflexion dans le monde contemporain. On peut en effet admettre que le travail contribue à un sentiment de dignité, et surtout à l’estime de soi, sans que sa privation entraîne pour autant une perte de « dignité », un sentiment assez subjectif, qui ne dépend pas seulement de la reconnaissance sociale, d’autant que celle-ci ne peut être entièrement univoque.

La question porte surtout sur la nature du travail que chacun juge conforme à sa dignité ou non, sans invoquer de grands sentiments, sur les aspirations, exigences et frustrations de chacun. Jamais en effet dans l’Histoire européenne, l’accomplissement de soi et l’« émancipation » n’avaient constitué des valeurs communes, comme c’est le cas depuis quelques décennies. Prosaïquement, on parle aussi d’individualisme. Si les dirigeants économiques portent aussi des responsabilités importantes, ils n’en sont pas moins d’ardents défenseurs des libertés individuelles, tout au moins pour ceux qui ne sont pas les exécutants d’un conseil d’administration. Dans une société qui porte aux nues la création d’entreprise, il est difficile de refuser à d’autres une aspiration à l’« accomplissement de soi », même si cela peut aussi être interprété comme une injonction à la responsabilité. Or, cet « accomplissement de soi responsable » n’est pas si facile à atteindre et son échec peut même conduire à la dépression dans une version extrême (#sde).

En France en particulier, l’« intérêt intrinsèque du travail » est jugé « très important » depuis longtemps. 68 % des Français le déclaraient, soit le plus haut % parmi les sondés de 14 nationalités européennes, 10 points devant les suivants, les Danois, dans des enquêtes en 1997 et 2005.

Dans ce contexte, l’« obligation d’heures d’activité », qui peut anéantir les espoirs individuels et s’ajouter à des enchaînements de désillusions et d’humiliations, semble complètement disqualifiée sous les angles sociologique et politique, renvoyant à des périodes où des hommes exerçaient leur despotisme sur d’autres. Elle l’est même vis à vis de de l’article 23 de la Déclaration universelle des droits de l’homme : « Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage. ».

C’est toujours la contrainte qui prive de la dignité et brise la confiance en soi. Mais de nouvelles formes d’organisation sociale très hiérarchisées ne sont pas à exclure dans un futur proche, indépendamment même de l’ascendant que pourraient prendre des despotes contemporains engoncés dans des archaïsmes comme en Chine et en Russie, en exploitant aussi certaines failles des démocraties « occidentales ».

(#sde) Reconstituant l’évolution de la perception multi-dimensionnelle de la dépression, Alain Ehrenberg écrivait dans « La fatigue d’être soi » à propos des années 1970 : « …la montée du thème dépressif en psychopathologie est commandée par des débats diagnostiques et thérapeutiques sur les rapports entre névroses et dépressions, culpabilité et insuffisance, conflit et déficit. L’estime de soi se situe au carrefour d’une libération psychique et d’une insécurité identitaire qui progressent parallèlement. », et pour la fin du 20ème siècle : « La dépression incarne alors non seulement la passion d’être soi et la difficulté à l’être, mais également l’exigence d’initiative et la difficulté à l’assurer. Comment bien engager l’action ? Chacun est enjoint à agir par lui-même en mobilisant ses affects au lieu d’appliquer des règles extérieures. ».

3.2.2. L’injuste prix du travail

La dignité passe aussi par une juste rémunération du travail. C’est le principe de l’article 23 de la Déclaration universelle des droits de l’homme : « Quiconque travaille a droit à une rémunération équitable et satisfaisante lui assurant ainsi qu’à sa famille une existence conforme à la dignité humaine et complétée, s’il y a lieu, par tous autres moyens de protection sociale ».

Les nombres d’heures évoqués, 15 à 20, pour l’« obligation d’heures d’activité » ne le sont peut-être pas par hasard dans la mesure où cela pourrait ramener l’heure de travail « en contrepartie » du RSA(-socle) au niveau du SMIC, afin d’éviter la critique supplémentaire de l’exploitation dans le cadre du travail forcé.

Mais le prix du travail est au moins théoriquement déterminé par le marché, et sauf à trouver et définir un type d’activité unique et standardisé, imposable à tous les allocataires, il ne saurait y avoir un seul type de travail, dont le prix corresponde au montant du RSA(-socle). Cela illustre qu’une allocation de subsistance, et même de survie, ne peut être associée à un travail d’un point de vue économique, sinon sur une base volontaire, en sortant du champ économique pour entrer dans celui du bénévolat. Sauf à l’introduire dans le champ juridico-politico-social où cela devient une peine, assortie d’une compensation (l’allocation), une construction un peu bizarre.

Par contre, un dispositif d’aide à la réinsertion, mais non contraignant, avait été mis en place par un des gouvernements dirigés par Jean-Pierre Raffarin : le revenu minimum d’activité (RMA), créé en décembre 2003. Le bénéficiaire percevait un revenu directement versé par l’employeur, dont le montant, au moins égal au SMIC horaire, était multiplié par le nombre d’heures travaillées (avec une référence de 20 heures). L’employeur ne devait s’acquitter que de la différence entre le salaire et le montant mensuel du RMIpour une personne seule (545 € en 11/2003).

Toutefois, ce dispositif a été critiqué car il constituait un contrat de travail au rabais, notamment en raison du calcul des droits au chômage et à la retraite sur la seule partie complémentaire du RMI. Du côté des entreprises, seule les secteurs de l’hôtellerie et de l’intérim avaient manifesté de l’intérêt au moment du vote de la loi. Quant aux départements, ils craignaient les dépenses de personnels supplémentaires qu’ils devraient assumer.

3.2.3. Le déni de l’employabilité

En fait, la proposition d« obligation d’heures d’activité » repose sur une vision méprisante, misérabiliste et irrespectueuse des exclus sociaux, car elle postule qu’ils sont inaptes à toute réinsertion sociale sur le marché du travail, et que cette inaptitude les condamne à des activités marginales, à des travaux dits « d’intérêt général » pour en masquer la vacuité. Cela consiste à avaliser l’exclusion dont ils sont victimes de la part des organisations, en leur refusant le droit à l’autonomie et à la liberté contractuelle et en leur imposant une relation forcée avec celles-ci. En cela, les « assistés » sont bien les derniers parias de la nation. Inversement, on peut douter que les organisations qui les rejettent soient systématiquement intéressées par du travail gratuit de la part des exclus sociaux.

Or, l’employabilité peut être bien plus élevée après une période d’inactivité, par exemple si l’allocataire s’est auto-formé. C’est aussi une forme d’ignorance qui se manifeste dans cette proposition d« obligation d’heures d’activité », soit une réinsertion par le bas, vis à vis de la multitude des cours en ligne dans tous les domaines et des opportunités d’évolution qu’ils offrent, bien que le PR ait envisagé que la formation fasse partie des « heures d’activité obligatoires ».

Mais cela suppose aussi d’admettre que les formations ne conduisent pas nécessairement à des reprises d’activité, non pas qu’elles seraient éloignées des activités professionnelles, mais parce qu’il n’y a pas systématiquement d’adéquation entre les sortants de formation à des métiers en besoin déclaré de main-d’oeuvre et les postes à pourvoir, de même que les salariés qui suivent des formations ne sont pas pour autant sûrs qu’elles leur vaudront une évolution de carrière. Or, on ne peut maintenir en permanence les « exclus » du marché du travail en formation dans un cadre institutionnel.

3.3. …QU’un PRETEXTE de GENEROSITE SOCIALE NE SUFFIRAIT PAS à MASQUER

Dans les sociétés démocratiques européennes, il est toutefois difficile pour un pouvoir politique d’imposer des mesures sociales dures sans offrir une contrepartie ou même sans mettre prioritairement en avant un gain social. En l’occurrence, c’est le « versement automatique des allocations » qui permettrait d’accorder les prestations sociales à ceux qui n’en font pas la demande, sachant que les enquêtes sur les causes et conditions du non-recours sont rares et ne donnent pas de résultats parfaitement probants, d’autant que d’autres méthodes existent pour le réduire (voir aussi « Jusqu’où automatiser la gestion des allocations sociales ? » et le « Rapport 2022 » du Comité d’évaluation de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté).

Si l’on présume de bonnes intentions, c’est-à-dire sans l’« obligation d’heures d’activité », la question est donc de savoir si l’augmentation des dépenses ad hoc et le déficit provisoire envisagés par le PR lors de son entretien dans le journal de France2, le 21/04/22 (voir « 1.3. Coût budgétaire annoncé des réformes ») pourraient suffire à absorber la croissance du nombre d’allocataires, d’autant qu’une politique de réinsertion sur le marché du travail plus affirmée, mais sans contrainte, entraînerait aussi des dépenses supplémentaires avant de générer d’éventuelles économies.

Le risque serait ainsi de « déshabiller Pierre pour habiller Paul » et d’attribuer plus largement le RSA(-socle) ou l’allocation correspondante mais avec des conditions plus restrictives par ailleurs ou des montants plus faibles, précipitant ainsi une partie des allocataires dans des difficultés accrues et privant les plus exclus de moyens de survie, tout en en servant d’autres qui n’en auraient pas fait la demande et auraient peut-être pu s’en passer (#dmp), par exemple comme appoint entre deux périodes d’activité (#pit), éventuellement même de leur part, par idéologie de refus de l’« assistanat ». Mais sans le « versement automatique », il est certain qu’une partie des allocataires potentiels pourraient ne pas demander le RSA(-socle) pour éviter le travail forcé.

Le PR manifeste de surcroît un étrange sens de la justice quand il déclare : « Fini le gain au travail, variable selon qu’on est, comme je le disais, locataire ou propriétaire. Pour les bénéficiaires, cela voudra dire très, très, très directement, plus de simplicité, donc moins de non-recours qui sape l’efficacité de notre système… ».

Comme si les inégalités de patrimoine n’étaient pas les plus criantes en France – par rapport à celles de revenus – et qu’elles doivent être accrues au nom de la simplicité et de la démagogie. Qui ne sait que justice et simplicité font rarement bon ménage, alors que le pouvoir exécutif semblait avoir acté (#pan) que les mesures sociales devraient désormais être ciblées sur les catégories les plus pauvres, plutôt qu’arroser des dizaines de millions de Français ?

Or, le manque de ciblage conduit à une dilapidation des dépenses publiques pour des raisons électoralistes : « Les plus gros consommateurs d’essence sont aussi des ménages parmi les plus aisés. La remise de 18 centimes sur le prix à la pompe a donc un caractère régressif. Elle a bénéficié deux fois plus au dernier décile (environ 18,50 euros) qu’au premier décile (9,50 euros ). » (note du Conseil d’analyse économique).

(#dmp) Voir aussi « 3.2. Les effets sur la pauvreté » dans « Réforme des aides sociales en France – 1ère partie (2018-2019) » sur les évolutions divergentes du taux de pauvreté et de l’intensité de la pauvreté. Il y a aussi le risque d’une redistribution « à l’envers », des catégories les plus pauvres vers des catégories un peu moins pauvres, par exemple du RSA(-socle) vers la prime d’activité, tout en faisant baisser le taux de pauvreté puisque la prime d’activité peut conduire à un montant de revenu supérieur au seuil de pauvreté.

(#pit) Mais l’ « idéologie du travail » pourrait conduire à les privilégier. C’est d’ailleurs ce que semblent aussi préconiser les auteurs de l’étude précitée sur les aides locales, qui ont constaté à propos de celles-ci que « …à budget constant, il s’agit de donner des aides moins généreuses à davantage de bénéficiaires ».

(#pan) Avant les surenchères populistes dans le cadre des discussions et votes à l’Assemblée nationale sur le « Projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat » en juillet 2022.

3.4. DECOHESION SOCIALE et INJUSTICE POURRAIENT S’AGGRAVER

La réduction des ressources des allocataires du RSA(-socle), qu’elle résulte de nouvelles modalités de calcul dans le cadre d’une refonte des aides sociales ou d’une sanction consécutive à un refus « d’heures d’activité », serait d’autant plus malvenue que les mesures prises sous le précédent quinquennat (05/2017-04/2022) ont plus soutenu les ménages aux niveaux de vie supérieurs, comme l’a notamment montré l’étude de l’OFCE précitée sur le pouvoir d’achat (#arn).

Malheureusement, n’importe quelle mesurette comme le relèvement du plafond des ticket-restaurants à 38 €, apparaît disproportionnée à l’aune du « reste à vivre » d’un allocataire du RSA(-socle), qui doit se débrouiller avec le même montant pendant au moins 5 jours. Or, c’est probablement le plus petit des cadeaux faits aux salariés au cours du quinquennat précédent (#pcs), même si les justifications économiques et sociales de certains d’entre eux, comme le chômage partiel, étaient solides, avec moins de justifications sociales pour la suppression du forfait social (#poa) ou la la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, susceptibles de s’ « ajouter » à des salaires de plusieurs milliers d’euros par mois dans des secteurs portés aux nues, où régneraient de soi-disant pénuries, et récepteurs de gigantesques et inédits financements publics.

La dimension statutaire de la société française en est sortie renforcée. Mais c’est certainement en matière de droits de succession que la démagogie populiste a atteint des sommets lors de la dernière campagne présidentielle. A cet égard, la notion de « fruit de son travail » est trompeuse du point de vue de l’équité car quel travailleur ou chômeur n’aimerait avoir pu constituer un capital ?

(#arn) « …Ce diagnostic reste d’ailleurs vrai lorsqu’on établit le bilan redistributif du quinquennat non pas en masse budgétaire allouée par vingtième mais en augmentation relative de niveau de vie de chaque vingtième…Là encore, les 5 % de ménages les plus modestes sont ceux ayant perçu les gains les plus faibles, même rapportés à leur niveau de vie peu élevé. ».

(#pcs) Il y a notamment eu dès 2019 la suppression des cotisations salariales et de l’impôt sur le revenu (IR) sur les heures supplémentaires, jusqu’à un plafond de 5000 € nets par an pour l’IR Cette mesure a d’abord bénéficié aux « 60 % des ménages les plus aisés, avec une hausse moyenne de 0,2% du revenu disponible au sein de cette population. » selon l’Institut des politiques publiques.

(#poa) Cette remarque ne constitue pas du tout une manifestation d’opposition à l’actionnariat salarié, mais à sa défiscalisation.

IV. SITUATIONS VIS A VIS du MARCHE du TRAVAIL et EFFETS POTENTIELS des REFORMES

4.1. Des CONTRAINTES peu PROPICES à la REPRISE d’une ACTIVITE DURABLE

4.1.1. Un chemin semé d’impasses

Une « activité obligatoire » tend à se rapprocher d’une activité dite « d’intérêt général », à moins que l’administration soit très souple sur la déclaration d’une telle activité par l’allocataire. Sinon, des exclus sociaux ont peu de chance de pouvoir trouver eux-mêmes des activités acceptables par les autorités de contrôle. Mais en fait, seul le caractère obligatoire est définissable, au contraire d’une activité dite « d’intérêt général », qui n’en prend la tournure que parce qu’elle est imposée par une autorité publique. Pourquoi ramasser des mégots dans les gares, comme au Royaume-uni, contribuerait-il plus à l’« intérêt général » que s’abstenir de consommer du chauffage et de l’eau chaude ?

En détournant d’un laborieux processus de réhabilitation sociale, pour ceux qui y sont engagés, ces « heures d’activité » obligatoires auraient pour effet paradoxal d’empêcher une reprise d’activité durable, au cas où l’emploi du temps ou les objectifs proposés par l’allocataire n’auraient pas eu l’heur de plaire aux « encadrants ». Il sera aussi difficile à ces derniers de juger de la pertinence de certains projets ambitieux susceptibles de prendre du temps, tandis que le RSA(-socle) permet d’amortir les échecs et que de nombreux entrepreneurs en ont bénéficié.

Des « heures d’activité » obligatoires pourraient aussi enfermer les allocataires dans des tâches empêchant leur évolution vers d’autres activités. C’est d’ailleurs cet argument qui avait été mis en avant par le gouvernement dirigé par Edouard Philippe pour justifier la baisse des « emplois aidés » en 2017 : « …dispositif « coûteux » (4,2 milliards d’euros en 2016) et « inefficace » en termes d’insertion professionnelle, puisqu’un quart seulement des emplois aidés dans le secteur non marchand (collectivités locales, associations…) débouchent ensuite sur un emploi durable. ».

Les conditions de vie avec le RSA(-socle) sont difficiles comme on l’a vu dans le chapitre « II. Etats du « quotidien » » et comme certains le devinent. En cas de réduction des ressources, quelle qu’en soit la cause (nouvelles modalités de calcul issues de la réforme…), elles deviendraient infernales et la perspective de reprise d’activité durable serait alors complètement exclue en raison du temps consacré à la lutte pour la survie. Pire encore, on pourrait pénaliser les moins employables, donc les plus fragiles.

Quant aux allocataires acceptant le travail forcé, ils n’auraient plus assez de temps pour rechercher un emploi, tant les occupations sont multiples quand on ne dispose que d’un revenu de survie : tout doit être fait soi-même car on ne peut rien déléguer ou commander à d’autres. Ils auraient donc vocation à demeurer dans la pauvreté selon une conception ultra-conservatrice de la société, en contradiction complète avec l’« égalité des chances ».

Qui peut croire que tous les allocataires pourraient être absorbés par le marché du travail dans les conditions du droit social et salariales en vigueur en France ? D’autre part, la conflictualité qui s’est manifestée depuis plusieurs années dans les relations entre indépendants peu qualifiés et les « plateformes » d’intermédiation montre qu’on ne peut s’engager dans des activités d’ « indépendant » (livraison, travaux à façon, services à la personne…), sans une certaine volonté et un sens de la débrouillardise, qui ne sont pas à la portée de tout le monde, en plus de compétences assez saillantes pour affronter une vive concurrence.

Les études réalisées dans les pays anglo-saxons ayant expérimenté des régimes de sanctions sévères vis à vis des bénéficiaires d’allocations de chômage ou d’assistance ont d’ailleurs fait état de résultats ambigus sur les causes de reprises d’emploi, lorsque celles-ci ont pu être isolées d’autres motifs de sortie.

Il faut aussi mesurer les coûts en personnels que la contrainte éventuelle vis à vis des allocataires du RSA(-socle) imposerait aux collectivités locales ou structures chargées de l’application.

4.1.2. Le cadre légal des incitations existe déjà, mais les moyens manquent

De toute façon, tous les dispositifs sont déjà prévus pour inciter les allocataires du RSA(-socle) à reprendre une activité :

* « Le revenu de solidarité active (RSA)…repose sur un système de droits et devoirs...Selon la situation de la personne, le devoir de rechercher un emploi ou d’entreprendre des actions en faveur d’une meilleure insertion sociale ou professionnelle

* Le contrat d’engagements réciproques (CER) formalise le parcours de l’allocataire, ses objectifs en matière d’insertion professionnelle et sociale et définit des échéances adaptées à sa situation…

* Les allocataires soumis aux droits et devoirs peuvent faire l’objet de sanctions…

* Chaque année, le département établit un programme départemental d’insertion (PDI) destiné à définir sa politique départementale d’accompagnement social et professionnel..

* Le SPIE (service public de l’insertion et de l’emploi) a pour ambition de renforcer l’efficacité de l’accompagnement vers l’emploi des personnes qui rencontrent des difficultés sociales et professionnelles pour s’insérer sur le marché du travail… »

Mais l’atteinte d’objectifs pertinents implique des dispositifs appropriés et au moins des moyens financiers ad hoc.

Selon le rapport 2022 du Comité d’évaluation de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, « la « Garantie d’activité », portée à la fois par Pôle emploi et les conseils départementaux mais aussi d’autres structures publiques, privées, ou associatives, devant permettre de suivre 300 000 demandeurs d’emploi rencontrant des difficultés d’ordre social et professionnel avec un contenu d’accompagnement densifié (coaching, accompagnement collectif, etc.), … proposant à la fois un accompagnement vers la reprise d’un emploi salarié mais également des actions d’accompagnement au lancement et à la reprise d’une activité indépendante… » aurait eu pour effet d’accroître le taux d’accès à l’emploi de 34 % au 4ème trimestre 2019 à 41,8 % au 4ème trimestre 2020 dans les 12 mois suivants l’entrée dans le dispositif.

Les « entretiens giratoires », comme cela a été expérimenté dans l’Hérault en 2018, ont aussi permis d’améliorer les délais de reprise d’emploi.

Toutefois, plutôt qu’incriminer les allocataires du RSA(-socle), les représentants de l’État devraient plutôt assumer leurs propres défaillances puisque « les garanties minimales prévues par la loi en matière d’insertion ne sont aujourd’hui pas mises en œuvre. 45 % d’entre eux ne sont pas orientés dans les six premiers mois, la moitié des allocataires orientés ailleurs qu’à Pôle emploi n’a pas de contrat d’engagement valide… ».

On peut aussi relever cette remarque émise par l’Observatoire national de l’action sociale (ODAS) : « En 2021, les dépenses d’insertion se sont élevées à 560 millions d’euros (+ 3,7 % par rapport à 2020). Cette augmentation peut s’expliquer par deux éléments : une situation financière un peu moins tendue qui a permis à certains départements de réactiver des dispositifs d’accompagnement vers l’emploi ; l’incitation de l’Etat à travers des actions mises en place dans le cadre de la contractualisation du plan national de prévention et de lutte contre la pauvreté avec les départements qui le souhaitaient. ».

4.1.3. Manque de participation des allocataires du RSA(-socle)

Le rapport Klein-Pitollat de 2018 a rappelé l’importance de la participation active de l’allocataire et d’approches évitant « l’enfermement dans les freins sociaux », en misant sur les qualités personnelles, la volonté, les envies. Il recommandait un suivi après l’embauche éventuelle et la systématisation des politiques d’évaluation et leur raffinement au-delà du taux de retour à l’emploi.

Une expérimentation intensive a d’ailleurs été menée en 2012-2013 par le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (CNLE), qui a été associé au « Plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale » mis en place en 2013 par le gouvernement Hollande-Ayrault. Mais cette expérimentation n’avait fait appel qu’à moins d’une vingtaine de personnes en situation de pauvreté ou de précarité, alors que des consultations beaucoup plus larges seraient requises.

La Délégation interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes (DIPLPEJ), créée en 2017, allait beaucoup plus loin et préconisait dans un rapport de 2018 « d’intégrer des usagers autonomes dans les instances qui les concernent: conseils d’administration des caisses de sécurité sociale, de Pôle Emploi, des missions locales, des centres communaux d’action sociale, etc., en définitive de tous les organismes concourant à la solidarité publique,… ».

4.2. REINSERTIONS CONCURRENTIELLES

4.2.1. Les aléas des investissements dans l’insertion professionnelle

Selon un schéma simpliste, accroître les contraintes pourrait inciter les allocataires du RSA(-socle) à travailler, par exemple prendre des « petits boulots » pour compléter une allocation. Il en résulterait une baisse du taux de chômage. Mais deux économistes, François Fontaine et Roland Rathelot, ont fait remarquer dans un rapport pour le Conseil d’analyse économique (CAE) que « …lorsque les demandeurs d’emploi sont nombreux, les gains à attendre de cette intensification des efforts de recherche sont faibles car ils augmentent la congestion sur le marché du travail. ».

Les objectifs relatifs aux retraites, au chômage et aux aides sociales, notamment annoncés par le Président-candidat pour son nouveau quinquennat, mais partagés par d’autres politiciens et économistes, frisent la quadrature du cercle. Il faut vraiment croire au « plein-emploi », autre slogan du Président-candidat, pour envisager le diffèrement des départs en retraite en évitant d’accroître le chômage des quinquagénaires et sexagénaires, mais aussi de réinsérer par l’obligation les allocataires du RSA(-socle) sur le marché du travail, même si des mouvements ont par exemple lieu depuis longtemps entre RSA(-socle) et prime d’activité.

Sauf à envisager des mesures aussi massives (financement, formation, aménagement des conditions de travail…) que celles qui pourraient être mises en œuvre pour le maintien au travail des « plus de 50 ans » en évitant une « réforme des retraites clivante », selon le rapport de la Chaire « Transitions démographiques, Transitions économiques » (TDTE) et les mots de son professeur-titulaire, Jean-Hervé Lorenzi.

Mais l’augmentation des moyens ne suffit pas toujours. Comme le notait le Comité d’évaluation de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté dans le rapport précité : « Pour ce qui est de mesures d’insertion pour les plus éloignés de l’emploi, malgré les montants investis dans l’insertion par l’activité économique (IAE) dans le cadre de la Stratégie [de prévention et de lutte contre la pauvreté] et du plan « France Relance », elles n’ont pas conduit à une hausse notable du nombre de personnes en IAE en stock, malgré une légère augmentation en flux (nombre de contrats signés). » [mesure au 31/12/21 par rapport au 31/12/18].

Mais sachant qu’il y a eu 312 220 entrées en IAE en 2021 pour un coût d’1,13 Md€, il pourrait en coûter cher à l’État d’étendre un tel dispositif à 2 millions d’allocataires du RSA(-socle) pour satisfaire l’« obligation d’effectuer des heures d’activité ».

D’autre part, une critique ancienne des dispositifs de travail forcé pour les allocataires du RSA(-socle) est que les activités correspondantes ne pourraient plus être exercées par d’autres structures aux salaires plus élevés. C’est justement l’objet des « expérimentations territoires zéro chômeur de longue durée » (ETCLD ou TZCLD), créées par une loi du 29/02/16, devant être alimentées à hauteur de 112 M€ par les lois de finances 2019-2022, mais seulement 34 M€ ayant été « exécutés » entre 2019 et 2021 sur 79,5 M€ prévus.

Fin 2021, 886 chômeurs de longue durée avaient été recrutés en CDI par des « entreprises à but d’emploi ». Ces entreprises doivent dans ce cadre développer des activités économiques non concurrentes de celles déjà présentes sur le territoire. Sans faire de calculs approximatifs, les moyens requis pour 2 millions d’allocataires du RSA(-socle) seraient encore plus considérables que pour « l’insertion par l’activité économique » (IAE), sachant que la dimension non-concurrentielle de ces activités volerait alors en éclat.

De surcroît, si ces activités peuvent être effectuées par d’autres travailleurs, le statut des allocataires du RSA(-socle) dans ce cadre peut alors être dérogatoire au droit du travail.

(#nar) 2 millions d’allocataires du RSA(-socle) au 31/12/20 selon les données de la CNAF.

4.2.2. Mirages de l’éducation et embouteillage des formations

La proposition d’« obligation d’heures d’activité » prend une autre tournure s’il s’agit de donner accès à des formations, d’abord car les allocataires du RSA(-socle) n’en sont pas habituellement bénéficiaires (#eef), même si les collectivités locales ont fait des efforts en ce sens.

Pour autant, la formation n’est pas le Graal tant vanté par les économistes, qui y voient le moyen d’éradiquer la pauvreté, et la supériorité de l’« égalité des chances » sur la péréquation fiscale (voir « De quoi l’« égalité des chances » est-elle le…Non, trop facile »). En l’occurrence, c’est d’ailleurs encore un cliché méprisant par rapport aux pauvres, qui n’auraient « pas dépassé le bac », comme on l’entend systématiquement par inclination au déni, alors que ceux qui l’ont dépassé ont aussi besoin de formations, mais aussi ceux qui ne sont plus jeunes et ne relèvent donc plus officiellement de l’« égalité des chances ».

Mais dans la mesure où les besoins de main d’oeuvre réellement non pourvus sont mal connus ou mal hiérarchisés, parfois car cela ne correspond pas à la vision politique (voir « Perspectives discordantes sur le marché du travail du « numérique »), la remarque précitée des économistes du CAE dans le sous-paragraphe précédent s’applique aussi aux formations. Selon la DARES : « 60 % des demandeurs d’emploi entrés en formation entre 2017 et 2019 ont occupé un emploi salarié dans le secteur privé au cours des 18 mois suivants. ».

L’État prend d’ailleurs déjà le risque d’engager des efforts de formation considérables dans des filières soi-disant porteuses, qui débouchent en fait sur l’augmentation des demandeurs d’emploi et Pôle emploi semble s’en réjouir : « …la part de demandeurs d’emploi qui cherche un métier dans le numérique augmente de 6% en 2021 par rapport à 2020, et cette évolution est particulièrement visible chez les moins de 35 ans issus des quartiers prioritaires. La part des femmes progresse mais elles restent malgré tout encore largement sous-représentées parmi les demandeurs d’emploi du secteur. ».

Rappelons que de nombreuses filières de l’économie française se heurtent au contraire à des difficultés de recrutement qui ne font pas de doute.

Les réformes de l’apprentissage et des aides exceptionnelles à partir de 2020, qui ont permis d’augmenter le nombre d’entrées de jeunes en alternance de tous niveaux de diplôme, de 438 000 en 2016 à près de 800 000 en 2021, ont aussi entraîné une telle hausse des dépenses qu’elles pourraient avoir doublé entre 2018 et 2021, de 5,5 Md€ à 11,3 Md€, ce qui a « fortement contribué au déficit enregistré par France compétences [établissement public chargé du financement du système de formation professionnelle et d’apprentissage] en 2020 (4,6 Md€) et 2021 (3,2 Md€), ainsi qu’aux fortes tensions de trésorerie en 2021. », selon la Cour des comptes (#rsg).

Même si cela semble conforme aux biais qui ont été précédemment dénoncés, les publics au coeur de cet article, allocataires du RSA(-socle), relevaient plutôt du « Plan d’investissement dans les compétences » (#PIC) vis[ant] à former un million de demandeurs d’emploi peu qualifiés et un million de jeunes peu qualifiés et éloignés du marché du travail. » et devant être doté de 15 Md€ entre 2018 et 2022.

Selon le « Second rapport du comité scientifique de l’évaluation du Plan d’investissement dans les compétences », « au total, les entrées de personnes éloignées de l’emploi dans l’ensemble des programmes de formation et d’accompagnement entre 2018 et 2020 s’élèvent à près de 3,8 millions ». Mais cela inclut 152 000 salariés « en insertion » (IAE), 688 000 jeunes… 7,2 Md€ ont été engagés sur ces 3 années.

Toutefois, « Mesurer l’impact de la formation sur le retour à l’emploi est à la fois incontournable et extrêmement difficile. ». De surcroît, les données qui sont présentées dans ce rapport portent sur les entrées en formation en 2017 et il semble donc préférable d’attendre les rapports suivants pour mesurer les effets du« Plan d’investissement dans les compétences ». D’autre part, il n’y est fait que très peu mention des allocataires du RSA(-socle).

(#eef) Une large partie des chômeurs de longue durée n’ont aucun droit à la formation sur l’application moncompteformation.gouv.fr, mise en service par le Ministère du travail le 21/11/19, dotant les actifs d’un compte de formation en euros, permettant de contourner les entraves des circuits administratifs de prise en charge pour l’accès à la formation…en « protégeant les plus vulnérables » selon les déclarations officielles.

(#rsg) Le gouvernement tente justement de rétablir l’équilibre financier du système de financement de l’apprentissage en réduisant les crédits accordés à certaines certifications.

(#PIC) Le PIC a déjà été évoqué à propos de l’« insertion par l’activité économique » (IAE) dans le sous-paragraphe précédent.

4.3. Des DISCRIMINATIONS VIRULENTES sur le MARCHE du TRAVAIL

4.3.1. La responsabilité des employeurs dans l’exclusion du marché du travail

Les réflexions sur la relation entre le RSA(-socle) et le marché du travail ont cependant pour vertu de conduire à s’interroger sur la responsabilité de la situation des allocataires et à pointer les discriminations dont ils sont victimes dans l’accès à l’emploi (voir aussi l’étude de l’université d’Oxford précitée). En imputer la responsabilité aux allocataires, comme cela sourd des justifications et axes de réforme envisagés relève en fait de la manipulation.

On l’a d’ailleurs déjà évoqué dans le sous-paragraphe « 3.2.3. Le déni de l’employabilité »: qu’il se forme seul ou dans un cadre institutionnel, l’employabilité d’un chômeur ou d’un « exclu social » est meilleure, mais ce n’est pas pour autant qu’il pourra retrouver une activité salariée ou contractuelle (au sens du marché, pas du RSA(-socle) 🙂).

La Cour des comptes a bien traduit le biais commun dans un rapport de 2018 sur la formation des demandeurs d’emploi: « …difficulté à retrouver un emploi après une période de chômage…également en raison de la perte d’employabilité et de compétences due à l’éloignement du marché du travail : plus la durée au chômage augmente, et plus les chances de retrouver un emploi diminuent. ».

Ce n’est pas nécessairement en raison de la perte d’employabilité et de compétences due à l’éloignement du marché du travail que les chances de retrouver un emploi diminuent, en particulier si l’on a suivi des formations, mais parce que le rejet des employeurs est proportionnel à la durée du chômage. L’enquête « Besoins en Main-d’Œuvre », publiée par Pôle-emploi, révélait aussi que parmi les motifs d’inadéquation des profils des candidats en 2018, 1/6 établissement leur reprochait d’avoir eu trop de périodes de chômage.

De même, l’isolement peut révéler d’autres handicaps (relationnels…), mais constitue un handicap majeur et prive de « capital social », d’autant que l’« assistanat » est plus une « peste » qu’un « cancer », que personne n’a envie de fréquenter (#irs).

Les évaluations de l’efficacité des formations reposant sur le présupposé dominant, en l’occurrence exprimé par la Cour des comptes, sont alors biaisées. Ce qu’observait judicieusement un rapport de France stratégie : « L’absence de résultats positifs quant à l’insertion professionnelle de certains publics peut donc traduire le fait que, dans les processus de recrutement des entreprises, les caractéristiques individuelles jouent un rôle plus important que l’acquisition de savoirs et d’aptitudes. ».

Les critiques de la Cour des comptes concernant l’organisation du système de formation, la précipitation des plans, les formations trop courtes, les défauts d’interconnexion des systèmes d’informationetc…,et les propositions qui en découlaient, étaientcependant fondées.

C’est d’ailleurs aussi cette exclusion croissante que cherchent à compenser les dispositifs d’assistance sociale. Parmi tous ceux qui pensent que les « assistés » pourraient travailler, se trouvent aussi des employeurs ou collaborateurs potentiels, qui ne voudraient surtout pas que ce soit pour ou avec eux en raison d’un préjugé négatif, même parmi ceux qui oeuvrent pour leur bien. Les relations directes contredisent les bonnes intentions. Il est d’ailleurs probable que les contributions à l’aide sont facilitées par la représentation de bénéficiaires démunis de ressources psychologiques et intellectuelles ou appartenant à des catégories victimisées et il n’est pas imaginable que des « assistés » puissent participer à des activités très qualifiées, ce qui constitue justement un préjugé discriminant. Le statut joue en effet un rôle déterminant dans l’exclusion, beaucoup plus que l’incompétence et l’absence de potentiel, tandis qu’il protège au contraire les incompétents, en particulier dans les grandes organisations.

A cet égard, il est scandaleux que des cabinets de conseil ou des sociétés de services et leurs consultants se donnent bonne conscience en proposant leurs prestations gratuitement ou à bas prix à des associations dédiées aux pauvres, qui devraient en priorité recruter parmi ceux-ci (allocataires de minima sociaux, chômeurs de longue durée…), en s’enquérant auprès de CCAS ou de Pôle emploi de la disponibilité d’allocataires disposant éventuellement des compétences requises, par exemple en informatique, gestion, commerce en ligne… La dichotomie entre les publics à aider et les professionnels susceptibles de le faire, qui ne s’applique pas toutefois à tous les métiers de ces associations, relève aussi d’une forme de mépris.

Les réticences des acheteurs publics eux-mêmes vis à vis des clauses sociales pour l’emploi de publics qui en sont éloignés ont été officiellement reconnues. Selon un rapport de l’Observatoire économique de l’achat public, seuls 6,1 % des marchés publics supérieurs ou égaux à 90 000 euros HT intégraient une clause sociale en 2013, et ces clauses ne s’appliquaient dans la réalité qu’à des travaux manuels, 88 % des bénéficiaires n’étant titulaires que d’un brevet d’enseignement professionnel (BEP) ou d’un certificat d’enseignement professionnel (CAP) ou sans diplôme.

(#irs) Selon des données de la CNAF, au 31/12/20, 56 % des ménages allocataires du RSA(-socle) étaient composés d’une personne seule et 31 % d’une famille mono-parentale, et seulement 2,6 % de couples sans personne à charge et 10 % de couples avec 1 ou plusieurs personnes à charge. Pour la prime d’activité en 12/2019, ces ratios étaient respectivement de 54,4 %, 19,1 %, 6,8 % et 19,7 % (en remplaçant « personne à charge » par « enfant »).

4.3.2. Les discriminations cumulatives vis à vis de l’âge et de l’exclusion sociale

Les discriminations peuvent d’ailleurs être cumulatives, notamment vis à vis de l’âge et de l’exclusion sociale.

* 20 % des plus de 50 ans inscrits à Pôle-emploi étaient bénéficiaires de minima sociaux en septembre 2017 (283 618)

* La part des chômeurs de longue durée parmi les chômeurs de plus de 50 ans dépassait 60 % en 2016

Selon le rapport précité sur la soutenabilité des retraites de la Chaire « Transitions démographiques, Transitions économiques » (TDTE), « La France nourrit en effet des représentations négatives à l’égard des travailleurs âgés, ce qui a un impact particulièrement important sur leur recrutement et leur maintien en emploi. »

Pour échapper au travail forcé, ceux-là pourraient d’ailleurs prendre une retraite anticipée à l’encontre des objectifs du PR et du gouvernement concernant les retraites (#rsr).

(#rsr) « Notre système de retraite est une exception, alors que l’on part plus tard chez la totalité de nos voisins européens. Alors, je le dis aujourd’hui : …Oui, nous devrons travailler progressivement un peu plus longtemps. » (Déclaration de politique générale de Mme Elisabeth Borne, Première ministre à l’Assemblée nationale).

4.3.3. Une nouvelle hiérarchie des discriminations

En matière de valeurs et d’idéologies, on peut aussi constater, quitte à susciter la polémique, que les sujets d’empathie des sociétés européennes ont évolué, pour partie en relation avec la mondialisation et l’évolution de la composition de leurs populations, notamment le poids croissant des immigrés d’origine extra-européenne. La lutte contre les discriminations à l’embauche est désormais systématisée, mais elle s’applique prioritairement, sinon exclusivement, à certains groupes : femmes, minorités ethniques, handicapés

Les enquêtes sur les discriminations excluent systématiquement les demandeurs d’emploi de « plus de 50 ans » et ceux de longue durée, alors qu’ils sont pourtant les plus discriminés. Cette « discrimination implicite » est pratiquée au plus haut niveau de l’Etat, même par le Ministère du travail, comme en témoigne parmi d’autres une enquête de 2016 « Discrimination à l’embauche selon l’origine ».

Si plusieurs associations soutiennent les pauvres en France, peu d’entre elles sont dédiées à leur insertion professionnelle ou à celle des allocataires du RSA(-socle). Certes, les Centres communaux d’action sociale (CCAS) et d’autres structures sont chargés de leur accompagnement. Mais plusieurs associations sont aussi exclusivement dédiées à l’insertion professionnelle des migrants, qui ne sont pas tous des réfugiés politiques, et semblent susciter beaucoup plus d’empathie et d’engouement de la part des employeurs, qui s’en vantent (#riq), au contraire d’éventuels recrutements d’allocataires du RSA(-socle). Les premiers sont toujours présentés comme détenteurs de compétences, jamais les seconds. Il ne s’agit cependant pas de nier la contribution des immigrés à l’économie française, en particulier à travers l’immigration légale et dans le cadre d’activités que des allocataires du RSA(-socle) ne feraient peut-être pas. Mais ce ne sont pas ceux-là dont s’occupent les associations.

Dans ce contexte, les allocataires du RSA(-socle), sauf ceux appartenant aux groupes précités, n’ont aucune chance de bénéficier des politiques de « responsabilité sociétale des entreprises » (RSE) puisqu’ils ne relèvent justement pas du « sociétal », mais du social, qui peut notamment être géré par des clauses sociales.

(#riq) Ces passe-droits ne sont pas sans lien avec le recrutement d’immigrés dits « qualifiés », prisés des multinationales, mais aussi de plus petites entreprises en France qui visent ou non l’expansion internationale, fût-ce à moyen terme (voir par exemple « Perspectives discordantes sur le marché du travail du « numérique » 3.6. Serait-il possible de réduire les délocalisations dans d’autres pays ? »).

(#rse) « …la responsabilité sociale des entreprises se restreint souvent à des mesures sociales ou écologiques liées à leurs activités commerciales et à leurs relations d’affaires (salariés, fournisseurs, etc.). » (rapport 2022 du Comité d’évaluation de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté ).

 

BIBLIOGRAPHIE

INTRODUCTION

## « Les Français et le projet de loi sur le pouvoir d’achat », Odoxa, 22/07/22

## « Mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat », Assemblée nationale, 22/07/22

## « Quelles sont les différentes prestations sociales ? », vie-publique.fr, 26/07/18

## « Comité d’évaluation de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté – rapport 2022 », France stratégie, 07/2022

## « Projets d’« unification des allocations sociales » et de revenus dits « universels », Jean-Charles Colombot, numsoc.fr, 30/07/19

I. SENTIERS de REFORMES des ALLOCATIONS SOCIALES

1.1. JUSTIFICATIONS des REFORMES

## « Dépenses sociales et médico-sociales des départements en 20212021, une année atypique ! », la lettre de l’ODAS (Observatoire national de l’action sociale), 06/2022

## Entretien du  Président-candidat » avec Anne-Sophie Lapix, « Journal de 20h du 21 avril 2022 », France2

## « Mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat », Assemblée nationale, 22/07/22

## « En avril 2022, les prix des produits de grande consommation vendus dans la grande distribution sont en hausse de 2,9 % sur un an », INSEE, 13/05/22

## « Réforme des aides sociales en France – 1ère partie (2018-2019) », Jean-Charles Colombot, numsoc.fr, 23/07/19

1.2. ORIENTATIIONS et AXES de REFORMES

## « Rapport public annuel 2022Les acteurs publics face à la crise : une réactivité certaine, des fragilités structurelles accentuées », Cour des comptes, 02/2022

## « Le revenu de solidarité active », Cour des comptes, 01/2022

## « Jusqu’où automatiser la gestion des allocations sociales ? »Jean-Charles Colombot, numsoc.fr, 20/08/19

## « Projets d’« unification des allocations sociales » et de revenus dits « universels », Jean-Charles Colombot, numsoc.fr, 30/07/19

1.3. COUT BUDGETAIRE ANNONCé des REFORMES

## « FICOBA : Fichier national des comptes bancaires et assimilés », cnil.fr, 8/03.18

## « Revenu de base : simulations en vue d’une expérimentation », Institut des politiques publiques, 06/2018

## « Réforme des aides sociales en France – 1ère partie (2018-2019) », Jean-Charles Colombot, numsoc.fr, 23/07/19

## « Comment le revenu universel d’activité doit inciter les Français à travailler », lesechos.fr, 22/06/19

## « Ne prenons pas le risque de toucher aux aides au logement », Norbert Fanchon, lesechos.fr, 20/08/19

## « Une analyse macro et microéconomique du pouvoir d’achat des ménages en France », OFCE, 17/03/22

II. ETATS du « QUOTIDIEN »

2.1. AIDES SOCIALES LOCALES

## « Droits connexes et aides sociales locales : un nouvel état des lieux », Denis Anne, Yannick L’Horty, Economie et Statistique n° 530-31, 25/04/22

## « Un pognon de dingue », Wikipedia, 2018

## « Pourquoi le smic aurait dû rester régional », Pierre-Yves Cossé, latribune.fr, 7/05/14

## « Trappe à pauvreté : histoire d’un contresens », Guillaume Allègre, alternatives-économiques.fr, 4/10/21

## « Pour une mise en œuvre du droit à des moyens convenables d’existence », Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (Ministère des Affaires sociales et de la Santé), 2012

2.2. DEPENSES « CONTRAINTES » et « RESTE A VIVRE »

## « Une analyse macro et microéconomique du pouvoir d’achat des ménages en France », OFCE, 17/03/22

## « Barème RSA », caf.fr, 1/04/22

2.3. INANITE de la FUSION du « CHEQUE ENERGIE » dans un « REVENU UNIFIE »

## « La précarité énergétique suivie par l’ONPE au sein de l’ADEME », expertises.ademe.fr, 29/03/22

## « Projets d’« unification des allocations sociales » et de revenus dits « universels », Jean-Charles Colombot, numsoc.fr, 30/07/19

## « Aides financières de l’Anah pour réaliser des travaux d’amélioration de l’habitat », service-public.fr, 14/01/22

III. « VALEURS » MORALES et IDEOLOGIQUES et « VALEUR-TRAVAIL »

3.1. Un RENONCEMENT à l’HUMANISME

## « Qu’a-t-elle fait pour les pauvres ? », Guillaume Mazeau, L’Histoire, 07/2013

## « Les réformes du marché du travail au Royaume-Uni », Institut Montaigne, 28/04/16

## « Projets d’« unification des allocations sociales » et de revenus dits « universels1.1. Le « CREDIT UNIVERSEL » au ROYAUME-UNI », Jean-Charles Colombot, numsoc.fr, 30/07/19

3.2. Un RECUL de l’EQUITE et de la « DIGNITE » FONDé sur le MEPRIS

3.2.1. Un extraordinaire quiproquo sur la notion de « dignité »

## « Rights and Responsibilities in the Social Security System », Julia Griggs and Fran Bennett, University of Oxford, 07/2009

## « La fatigue d’être soi », Alain Ehrenberg, 1998 (Odile Jacob)

## « Les Français et le travail : une relation singulière », Lucie Davoine, Dominique Méda, futuribles.com, 1/04/09

## « Déclaration universelle des droits de l’homme », Organisation des nations unies (ONU), 10/12/1948

3.2.2. L’injuste prix du travail

## « Déclaration universelle des droits de l’homme », Organisation des nations unies (ONU), 10/12/1948

## « Augmentation automatique du Smic de 2,65 % le 1er mai », service-public.fr, 21/04/22

## « Revenu minimum d’activité », Wikipedia

## « A l’Assemblée, François Fillon obtient de la majorité la création d’un RMA a minima », lesechos.fr, 24/11/03

## « Les départements craignent les dérapages financiers du RMI et du RMA », lesechos.fr, 31/12/03

3.3. …QU’un PRETEXTE de GENEROSITE SOCIALE NE SUFFIRAIT PAS à MASQUER

## « Jusqu’où automatiser la gestion des allocations sociales ? », Jean-Charles Colombot, numsoc.fr, 20/08/19

## « Rapport 2022 », Comité d’évaluation de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté – France stratégie, 07/2022

## « Droits connexes et aides sociales locales : un nouvel état des lieux », Denis Anne, Yannick L’Horty, Economie et Statistique n° 530-31, 25/04/22

## « Réforme des aides sociales en France – 1ère partie (2018-2019) –  3.2. Les effets sur la pauvreté », Jean-Charles Colombot, numsoc.fr, 23/07/19

## « Déclaration de M. Emmanuel Macron, président de la République, sur la politique sociale et la lutte contre la pauvreté, à Paris le 6 janvier 2022 », vie-publique.fr

## « Les inégalités de patrimoine en France », Observatoire des inégalités, 9/03/22

## « Projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat », Assemblée nationale, 22/07/22

## « Indemnité inflation : 38 millions de Français recevront 100 euros », economie.gouv.fr, 13/12/21

## « La situation financière des ménages en début de crise énergétique », Étienne Fize, Philippe Martin, Hélène Paris, Marion Rault , Conseil d’analyse économique (CAE), 07/2022

3.4. DECOHESION SOCIALE et INJUSTICE POURRAIENT S’AGGRAVER

## « Une analyse macro et microéconomique du pouvoir d’achat des ménages en France », OFCE, 17/03/22

## « Le plafond des titres-restaurant repasse à 19 € par jour à partir du 1er juillet 2022 », service-public.fr, 23/06/22

## « Budget 2019 : quels effets pour les ménages ? », Institut des politiques publiques, 01/2019

## « Dispositif de chômage partiel », economie.gouv.fr, 1/02/22

## « La suppression du forfait social », travail-emploi.gouv.fr, 14/01/19

## « La prime exceptionnelle de pouvoir d’achat », economie.gouv.fr, 4/01/22

## « Présidentielle : les propositions des candidats sur la fiscalité », lejdd.fr, 7/02/22

IV. SITUATIONS VIS A VIS du MARCHE du TRAVAIL et EFFETS POTENTIELS des REFORMES

4.1. Des CONTRAINTES peu PROPICESà la REPRISE d’une ACTIVITE DURABLE

4.1.1. Un chemin semé d’impasses

## « Auto-entrepreneur et RSA », federation-auto-entrepreneur.fr, 14/06/22

## « Emplois aidés : des questions sans réponse », lemonde.fr, 9/09/17

## « De quoi l’« égalité des chances » est-elle le…Non, trop facile », Jean-Charles Colombot, numsoc.fr, 16/06/22

## « Travailleurs des plateformes : au-delà de la question du statut, quelles protections ? », Michel Forissier, Catherine Fournier, Frédérique Puissat, Sénat, 20/05/20

## « Rights and Responsibilities in the Social Security System », Julia Griggs and Fran Bennett, University of Oxford, 07/2009

4.1.2. Le cadre légal des incitations existe déjà, mais les moyens manquent

## « Le revenu de solidarité active (RSA) : Démarches, montants, fonctionnement, droits et devoirs… », solidarites-santé.gouv.fr, 19.05.22

## « Les 35 mesures – suivi et évaluation 2022 », Comité d’évaluation de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté – France stratégie, 07/2022

## « Évaluation de l’expérimentation d’une plateforme d’orientation des bénéficiaires du RSA dans le Biterrois », Alban George, Nadia Kesteman, Caf de l’Hérault, Conseil départemental de l’Hérault, Cnaf

## « Dépenses sociales et médico-sociales des départements en 20212021, une année atypique ! », la lettre de l’ODAS (Observatoire national de l’action sociale), 06/2022

4.1.3. Manque de participation des allocataires du RSA(-socle)

## « L’accompagnement des bénéficiaires du RSA », Mathieu Klein (président du Conseil général de Meurthe-et-Moselle), Claire Pitollat (députée), 08/2018

## « Plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale », Premier ministre, 21/01/13

## « Evaluation de l’expérimentation d’un collège de personnes en situation de pauvreté ou de précarité au sein du CNLE », Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale Amnyos, 24/09/13

## « Accès aux droits et aux services – lutte contre le non-recours – Propositions du groupe de travail n° 4 », Délégation interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes, sous la conduite d’Aurore Bergé (député), et Matthieu Angotti (DG du CCAS de Grenoble), 15/03/18

4.2. REINSERTIONS CONCURRENTIELLES

4.2.1. Les aléas des investissements dans l’insertion professionnelle

## « Le marché du travail français à l’épreuve de la crise sanitaire », François Fontaine, Roland Rathelot, Conseil d’analyse économique (CAE), 03/2022

## « Réforme des aides sociales en France – 1ère partie (2018-2019)1.1.1. RSA-socle et prime d’activité divergent à plusieurs égards », Jean-Charles Colombot, numsoc.fr, 23/07/19

## « Une réforme des retraites réussie », Chaire des transitions démographiques et des transitions économiques (TDTE), 1/06/22

## « Rapport 2022 », Comité d’évaluation de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté – France stratégie, 07/2022

## « France relance – Construire la France de demain », economie.gouv.fr, 09/2020

## « Les 35 mesures – suivi et évaluation 2022 », Comité d’évaluation de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté – France stratégie, 07/2022

## « Territoires zéro chômeur de longue durée »

## « Foyers bénéficiaires du RSA socle selon la situation familiale », INSEE, 9/03/22

4.2.2. Mirages de l’éducation et embouteillage des formations

## « Dossier de presse – MonCompteFormation », Ministère du travail, 21/11/19

## « De quoi l’« égalité des chances » est-elle le…Non, trop facile », Jean-Charles Colombot, numsoc.fr, 16/06/22

## « Perspectives discordantes sur le marché du travail du « numérique », Jean-Charles Colombot, numsoc.fr, 20/04/22

## « Quels taux de retour à l’emploi pour les demandeurs d’emploi formés ? », DARES – Ministère du travail, 17/02/22

## « Pôle emploi et Diversidays publient le Baromètre 2022 de l’Observatoire des diversités et du numérique », pole-emploi.org, 2/06/22

## « Top 10 en part de recrutement difficiles en 2022 par Métier », pole-emploi.org, 4/05/22

## « La formation en alternance  – synthèse », Cour des comptes, 06/2022

## « Apprentissage : grosse inquiétude après le coup de rabot budgétaire », lemonde.fr, 25/07/22

## « Plan d’investissement dans les compétences », travail-emploi.gouv.fr

## « Second rapport du comité scientifique de l’évaluation du Plan d’investissement dans les compétences », Anne Bucher, Anne Fretel, Pauline Givord, Léa Lima, Makiko More, Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion (DARES), 11/2021

4.3. Des DISCRIMINATIONS VIRULENTES sur le MARCHE du TRAVAIL

4.3.1. La responsabilité des employeurs dans l’exclusion du marché du travail

## « Rights and Responsibilities in the Social Security System », Julia Griggs and Fran Bennett, University of Oxford, 07/2009

## « La formation des demandeurs d’emplois », Cour des comptes, 05/2018

## « Besoins en main-d’oeuvre », Pôle emploi, 2019

## « Foyers bénéficiaires du RSA socle selon la situation familiale », INSEE, 9/03/22

## « Forte hausse des bénéficiaires de la prime d’activité en 2019 », INSEE, 15/01/21

## « Renforcer la capacité des entreprises à recruter », Rapport du groupe de travail n° 4 du Réseau Emplois Compétences, France stratégie, 08/2017

## « Commande publique et accès à l’emploi des publics qui en sont éloignés », Ministère des finances et des comptes publics, Ministère de l’économie, de l’industrie et du numérique, octobre 2015

4.3.2. Les discriminations cumulatives vis à vis de l’âge et de l’exclusion sociale

## « L’emploi des seniors », Alain Cordesse, Conseil économique, social et environnemental (CESE), 25/04/18

## « Une réforme des retraites réussie », Chaire des transitions démographiques et des transitions économiques (TDTE), 1/06/22

« Une réforme des retraites réussie »

## « Déclaration de politique générale de Mme Elisabeth Borne, Première ministre à l’Assemblée nationale », 6/07/22

4.3.3. Une nouvelle hiérarchie des discriminations

## « Résultats de l’enquête « Discrimination à l’embauche selon l’origine » », Ministère du travail, 12/1/12/16

## « Ces entreprises qui s’engagent pour les réfugiés », lesechos.fr, 23/06/17

## « Perspectives discordantes sur le marché du travail du « numérique3.6. Serait-il possible de réduire les délocalisations dans d’autres pays ? », Jean-Charles Colombot, numsoc.fr, 20/04/22

## « Qu’est-ce que la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) ? », économie.gouv.fr, 26/10/21

## « Guide sur les aspects sociaux de la commande publique », Ministère du travail, Ministère de l’économie et d es finances, Ministère de l’action et des comptes publics, 07/2018

## « Les 35 mesures – suivi et évaluation 2022 », Comité d’évaluation de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté – France stratégie, 07/2022

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