PERSPECTIVES DISCORDANTES sur le MARCHE du TRAVAIL du « NUMERIQUE »

PERSPECTIVES DISCORDANTES sur le MARCHE du TRAVAIL du « NUMERIQUE »

C’est un comble: on manque de données sur le « numérique » , qui constitueraient pourtant son « pétrole » ! Surtout sur le marché du travail du « numérique ». Cet article vise certes à combler quelques lacunes, mais il est aussi motivé par les déclarations systématiques, massives, univoques, péremptoires et incantatoires, se résumant à la déploration de pénuries de personnels, de la part des dirigeants et employeurs, médias, experts reconnus, politiciens, économistes, organismes de placement, analystes financiers, commentateurs divers…(ELI). Ces déclarations prospèrent donc sur la rareté ou l’absence des données disponibles, mais aussi parfois sur leur ignorance volontaire. Comme si les données censées éclairer les réalités se dérobaient paradoxalement sous les nécessités de la propagande et des incantations liées à divers intérêts.

Ces discours sont d’autant plus choquants que le nombre de demandeurs d’emploi pour les métiers des « Systèmes d’information et de télécommunication » a plus que doublé en 10 ans. De surcroît, les projets de recrutement ont significativement reculé entre 2021 et 2022 selon les enquêtes de Pôle-emploi (voir « 3.3.2. Les enquêtes « Besoins de main d’eouvre » de Pôle-emploi »).

En plus de concevoir une nomenclature commune des métiers (NTP), il faudrait en priorité disposer des données suivantes:

* au niveau des organismes de formation, par filière et par niveau d’études: nombres de candidatures reçues, d’apprenants, d’apprenants étrangers, d’abandons, de redoublements, de diplômés, de poursuites d’études (nouveau cycle, autre filière…), de sortants en emploi dans la filière, de reconversions…

* au niveau des organisations et des organismes de recrutement, par type de poste ouvert: nombres d’offres publiées, de postes pourvus (dans/au-delà les/des délais prévus pour l’embauche), de candidatures reçues, de candidatures adéquates, motifs d’inadéquation des candidatures, statuts des postes/missions pourvus (salariés, indépendants…), profils des embauchés (âge…), délais de recrutement, nombres d’employés délocalisés, étrangers, de démissionnaires/licenciés…

* au niveau de Pôle-emploi, au moins par « famille de métier » (par exemple « techniciens d’étude et de développement en informatique »…) ou même type de poste précédemment occupé: nombre de demandeurs d’emploi selon les catégories de classement (A, B, C, D pour les formations…), durée d’inscription, formations suivies, tranche d’âge, nombre de sortants des fonctions informatiques (retraite, reconversions…) etc…

« Pôle-emploi » participe d’ailleurs à diverses initiatives en matière d’ouverture des données, mais des blocages subsistent (PAD). Les données précitées constitueraient un socle minimal d’évaluation du marché du travail du « numérique », sachant qu’il y a aussi beaucoup d’indépendants pour lesquels n’existent que des enquêtes partielles, notamment à l’initiative d’intermédiaires spécialisés, mais aussi beaucoup d’autodidactes.

Précisons que le champ couvert par cet article est restreint aux professions techniques, soit informatiques, du « numérique », aussi rassemblées sous le vocable « informaticiens ».

 

(ELI) Par « élites », on entend les personnes et institutions dont les avis font autorité et qui sont largement propagés du fait de leur statut, soit la liste précitée, en admettant qu’elles ne sont pas d’accord sur tous les sujets et que certaines ont parfois raison, mais pas quand le terme est employé dans ce document. Il ne s’agit pas d’une critique des « élites » en général ou extensible à d’autres domaines, mais leurs discours et idéologie requièrent d’autant plus l’attention qu’elles ont la capacité de mettre en place des politiques conformes à leurs discours et idéologie.

(NTP) La prolifération des titres de postes en anglais, qui n’ont souvent de pertinence que dans le contexte d’entreprises particulières, impose une normalisation pour les regrouper.

(PAD) On peut par exemple noter cette remarque du rapport au gouvernement, « Pour une politique publique de la donnée », précédant une description du parcours d’une « chercheuse-combattante »: « Une chercheuse, française, souhaitant évaluer le travail détaché en France, n’a ainsi à ce jour pas reçu les données de l’administration malgré une demande effectuée il y a plus de deux ans, et l’accord du comité du secret statistique…. ».

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SOMMAIRE

I. La GLORIFICATION du « NUMERIQUE »

1.1. Des BULLES de COMMUNICATION

1.2. …RECURRENTES et ARROGANTES

1.3. La MANIPULATION par CERTAINS MEDIAS et les REPRESENTANTS du SECTEUR

II. PERSPECTIVES TECHNOLOGIQUES, COMMERCIALES et JURIDIQUES

2.1. Un SENTIMENT d’EFFERVESCENCE qui RESTE à VALIDER

2.2. Une « SOUVERAINETE » « NUMERIQUE » EST-ELLE ENCORE POSSIBLE ?

2.2.1. Initiatives réglementaires susceptibles d’impacter le marché du travail du « numérique »

2.2.2. Financement et coordination de projets relatifs au « cloud »

2.2.3. Financement et coordination de projets relatifs à l’« IA »

2.2.4. Au bénéfice de qui ?

2.3. Des CHAMPS d’INNOVATIONS « ADDITIVES » ou « SOUSTRACTIVES » ?

2.3.1. Les technologies incrémentales à diffusion massive

2.3.2. Les technologies incrémentales à finalité prioritairement productive

2.3.3. Les technologies de rupture susceptibles d’impacter l’emploi informatique

2.4. Des FACTEURS PROPICES à la COMPRESSION des PERSONNELS INFORMATIQUES

2.4.1. Les facteurs d’accessibilité, de simplification et d’assistance

2.4.2. Les facteurs liées aux infrastructures

2.4.3. De probables fusions et acquisitions

III. TENDANCES de l’OFFRE et de la DEMANDE de TRAVAIL dans le « NUMERIQUE »

3.1. Des FORMATIONS en TRES FORTE CROISSANCE

3.1.1. Formations recensées par Pôle-emploi

3.1.2. Difficile évaluation du nombre de diplômés en informatique

3.1.3. Les organismes de formation voient leur « numérique » en rose

3.2. DOUBLEMENT des DEMANDEURS d’EMPLOI en 10 ANS

3.3. Des « DIFFICULTES de RECRUTEMENT »… DIFFICILES à EVALUER

3.3.1. Seul le point de vue des employeurs est pris en compte

3.3.2. Les enquêtes « Besoins de main d’oeuvre » de Pôle-emploi

3.3.3. Les études et enquêtes de l’APEC

3.3.4. L’étude d’empirica, une référence…depuis 2015

3.3.5. Une étude prospective de la DARES et « France stratégie »

3.3.6. L’enquête annuelle du JDN

3.4. Des SALAIRES RAISONNABLES

3.5. Des PROBLEMES d’APPARIEMENT PONCTUELS et CIBLES

3.5.1. Un foisonnement d’outils impliquant des spécialisations

3.5.2. Une « guerre des talents » surplombée par la compétition entre les « firmes nativement numériques »

3.5.2.1. La compétition pour « les meilleurs »

3.5.2.2. Les taux de rotation augmentent les personnels spécialisés dans le « numérique »

3.5.3. Des « difficultés de recrutement » surtout liées à la préférence pour les « jeunes »

3.5.4. Hiatus au sein du secteur public

3.6. SERAIT-IL POSSIBLE de REDUIRE les DELOCALISATIONS dans d’AUTRES PAYS ?

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES


I. La GLORIFICATION du « NUMERIQUE »

1.1. Des BULLES de COMMUNICATION

Même quand un représentant des élites n’en connaît absolument rien, il citera le « numérique » comme un domaine d’avenir où sévit une pénurie de compétences, en s’appuyant sur des tunnels de stéréotypes, enveloppés dans des syllogismes et des sophismes, non dénués de contradictions: « On vit une révolution numérique » (toutefois un peu passé de mode au profit de « transition digitale »…), « Il y a une révolution de la « data », « data », « data »… », Nous sommes assis sur un tas d’or inexploité », « Le bitcoin, c’est l’or du 21ème siècle », « Grâce au « numérique » et à l’ « intelligence artificielle » (« IA »), on va connaître des décennies de croissance », « La French tech est le moteur de l’économie française », « On manque de GAFA en France », « La France est en retard en « IA » », « Le numérique est un secteur d’avenir, il va donc créer beaucoup d’emplois », « Ce sont des métiers de haut niveau, donc difficiles à pourvoir », « Il y a pénurie de développeurs informatiques et d’ingénieurs », « Les meilleurs sont partis dans la « Silicon valley » », « les informaticiens sont très chers », etc., avec pour corollaires : « Il faut former toujours plus à ces métiers », « Jeunes, femmes…, enrôlez-vous dans le « numérique » », « Il faut importer les « talents » qui compenseront ceux qui sont partis »…. et jusqu’à « il faut réduire encore le « forfait social » et les charges sociales sur les hauts salaires, de même que les impôts sur les impatriés pour les attirer » etc….

Non que tout soit faux dans ces discours circulaires qui se renforcent mutuellement (DRS). Mais, hormis de la part des spécialistes des « solutions numériques », ces dithyrambes et déplorations correspondent à un moment particulier de l’histoire des technologies informatiques : la découverte par les élites de leur démocratisation et des menaces de nouveaux concurrents, qui ont dû faire face au début des années 2000 à la gestion de très grands volumes de données avec le succès de leurs services et inventer des technologies adéquates (Amazon, Google, Facebook…).

Les données sont en effet la matière première de l’informatique depuis son origine, mais aussi de multiples autres domaines (comptabilité, mercatique…). Le grand festival des données, c’est le soir des résultats d’élections dans les médias (DOD). Le décalage des discours est d’autant plus surprenant que le grand-public utilise le « web » depuis 30 ans et les applications mobiles depuis une 20taine d’années. Mais ces discours accompagnent aussi la perception générale que ces technologies sont devenues incontournables. Ils forment donc des bulles de communication et de ressassement qui trouvent toujours un écho dans une réalité déjà installée.

Dans les discours et les rapports, les technologies « numériques » sont d’ailleurs toujours conjuguées au futur, alors qu’on n’y décrit souvent que celles du présent, en admettant toutefois qu’elles ne font pas toutes l’objet d’usages massifs. Mais tout est unifié dans un futur désirable empli de promesses inextinguibles. Les bienfaits, l’utilité, les impacts sociaux et économiques des technologies « numériques » ne sont d’ailleurs pas plus soumis à l’« esprit critique », tant vanté par ailleurs. La seule préoccupation est de savoir comment devenir la « blockchain-nation » ou l’« IA-nation » ou encore la « dernièretechno-nation ». D’ailleurs, les projections chiffrées, parfois très simplistes ou au contraire acrobatiques, sont rarement confrontées à des données « réalisées ».

 

(DRS) On ne traite pas dans cet article des préventions d’ailleurs légitimes des élites vis à vis des dérives des « réseaux sociaux« , en particulier des « fausses informations ».

 

1.2. …RECURRENTES et ARROGANTES

Vis à vis du marché du travail, la glorification du « numérique » et l’exaltation du « retard français » apparaissent d’autant plus comme des prétextes que la déploration est ininterrompue depuis 30 ans dans le discours des représentants du secteur informatique, avec un pic mémorable lors du « passage à l’an 2000 ».

Il ne s’agit pas toutefois dans cet article de critiquer l’accès de la population aux compétences « numériques » de base, ni les moyens importants consacrés par de nombreuses organisations à la formation de leurs employés au « numérique », d’ailleurs difficiles à comptabiliser quand ils ne passent pas par des formations externes répertoriées. Mais il est très spéculatif d’envisager que, si toute la population active ne fasse plus que manipuler des interfaces « numériques » (écrans, capteurs sonores…), elles exigeraient des compétences informatiques telles que requises aujourd’hui pour exercer des activités professionnelles techniques dans le domaine du « numérique », sauf à manquer de praticité et d’être donc inutiles. Or, rien dans les incantations à l’apprentissage du « numérique » ne suggère de seuils d’intégration sur le marché du travail correspondant à des activités ad hoc. Le climat idéologique actuel empêche toute reconnaissance que trop de gens ont pu être formés dans la perspective d’un emploi dans une filière « numérique », surtout si on parle de cette filière depuis quelques années seulement, puisque ce serait juste une question d’avènement imminent…mais indéfiniment prorogeable.

Si les données manquent donc qui suffiraient à invalider bien des clichés sur le marché du travail du « numérique » en particulier, des témoignages d’expériences vécues par des offreurs de travail pourraient aussi y contribuer, mais ils ne sont pas particulièrement prisés, et même plutôt méprisés, par les élites – le mépris étant de toute façon assez répandu en France par rapport à d’autres pays développés – qui seraient, elles, garantes de la vision d’avenir et des intérêts « du pays ».

Notons cependant que le MEDEF n’est pas le plus en pointe dans cette vision stéréotypée, sa vice-présidente ayant ainsi déclaré le 21/02/22: « La transition numérique, on est en train de la faire », pour relativiser l’enjeu vis à vis de la « transition écologique », constituant un défi plus important pour les années à venir, au moins en termes de faisabilité.

 

1.3. La MANIPULATION par CERTAINS MEDIAS et les REPRESENTANTS du SECTEUR

Les journalistes au service des entreprises, en particulier dans certains médias « économiques », n’hésitent pas pour leur part à faire de la surenchère et se muent volontiers en commentateurs sportifs. Leurs interlocuteurs, chargés de recrutement dans le « numérique », ont beau leur dire qu’ils parviennent à attirer des candidats, que le niveau des ingénieurs est élevé en France…, ils ne peuvent s’empêcher de répéter quotidiennement que les profils concernés sont « pénuriques », voire « hyper-pénuriques », sans apporter d’élément de preuve sinon la rumeur, des « on dit », en s’appuyant toutefois sur une partie des employeurs et des représentants du secteur des activités « numériques », qui cherchent naturellement à faire peser le rapport de forces en leur faveur sur le marché du travail et ne sont pas à une contradiction près, puisqu’il faut bien concilier le leitmotiv des pénuries et leur propre attractivité. La mercatique a toujours joué un rôle considérable dans le « numérique », comme moyen de simuler l’innovation. Elle contribue à renforcer le sentiment de pénuries de candidats pour des métiers qui seraient nouveaux, notamment car ils sont énoncés en anglais (UFM), mais elle a surtout pour défaut d’obscurcir la compréhension des technologies « numériques » avec des termes qui n’ont parfois guère de sens comme « web3 » et relèvent plutôt d’un vocabulaire mystique et même trompeur.

Ces journalistes qui n’ont que le mot « data » à la bouche, pratiquent d’ailleurs sans aucun scrupule les biais de sélection pourtant décriés dans le « numérique » (BSN), en n’invitant que des recruteurs de « profils tech », ou ayant au moins quelques « profils tech » dans leur besace, sélectionnés à partir de sites de recrutement spécialisés dans ce domaine, bien qu’une ouverture à d’autres domaines soit apparue en mars 2022.

Pour ces médias « économiques », la manipulation s’explique avant tout par la volonté d’être à la pointe de l’innovation, ce qui constitue une garantie d’audience. Mais elle est d’autant plus viable que le discours obsessionnel porte en fait sur des technologies largement répandues dans la société et avec lesquelles l’audience et les journalistes sont familiarisés. Les domaines difficiles à appréhender, comme les technologies environnementales, aéronautiques, biotechnologiques…, exigeant vraiment des compétences scientifiques, sont traités de manière ordinaire, c’est-à-dire sous un angle économique, avec quelques incursions sur des aspects techniques vulgarisés. On ne retrouve heureusement pas cette pédanterie, en franglais évidemment (UFM), qui s’accorde avec un usage intensif des appareils et des applications « numériques », comme si la main parlait directement au cerveau. Admettons cependant que des journalistes spécialisés en automobile auront autant à coeur de parler par exemple des gicleurs de la chambre de carburation. Mais cela révèle aussi qu’il n’y a pas un très grand écart entre ces technologies et leur usage, c’est-à-dire que ces technologies ne sont pas si compliquées à apprendre, d’autant qu’elles résultent de décennies de progrès et de simplification, particulièrement illustrés par l’édition de logiciels polyvalents prêts à l’emploi. L’effet grossissant entretenu par les médias résulte ainsi d’un renforcement mutuel entre l’adoption des technologies par le public et le rôle de miroir endossé par ces médias.

 

(UFM) A la décharge des médias, ce sont les employeurs qui sont à l’origine de l’anglicisation systématique des noms de fonctions, métiers, postes… On ne dit plus « responsable commercial », qui ne fait plus rêver, mais « business developer » etc., avec l’impression fallacieuse d’une pléiade de nouveaux métiers, quand il ne s’agit que d’une vague inédite de snobisme. On peut d’ailleurs plaindre les anglophones, qui ne peuvent autant embellir la réalité de mots étranges et étrangers.

(BSN) Dans aucun autre domaine, on n’insiste autant sur la place des femmes, pourtant peu présentes dans certains autres secteurs. L« IA » est aussi régulièrement accusée de discriminations, ce qui mérite en effet une grande vigilance, mais ce n’est par exemple jamais sur la base de critères sociaux.

 

II. PERSPECTIVES TECHNOLOGIQUES, COMMERCIALES et JURIDIQUES

2.1. Un SENTIMENT d’EFFERVESCENCE qui RESTE à VALIDER

Si le marché du « numérique » semble avoir connu un essor remarquable en 2021, avec une prévision de croissance de 6,3 % selon le syndicat des entreprises du secteur, il faut en fait prendre en compte la chute de 2020 (comme pour le PIB): – 4,6 % (voir aussi « Les investissements IT en berne en attendant la reprise de 2021 »).

Mais l’essor s’explique justement par la maturité technologique du « numérique » déjà atteinte dans les années antérieures (MNP). Un organisme d’études, IDC a par exemple estimé le marché européen du « cloud » à environ 59 Mds€ en 2020, avec des taux de croissance de 17 % à 30 % sur ses différents segments, mais il s’agit en grande partie d’un « marché de transfert », c’est-à-dire que les organisations recourent à des infrastructures et logiciels dans le « cloud », plus compétitifs par rapport à ceux qu’elles acquéraient et exploitaient précédemment elles-mêmes à travers des licences.

Illustrant la maturité de l’offre de façon plus visible, la « Fédération du e-commerce et de la vente à distance » (Fevad) indiquait par exemple dans un panorama qu’il y avait 177 000 sites marchands au 1er trimestre 2021, bien qu’encore en croissance de 12 % sur un an.

Il faut aussi prendre en compte l’abondance des financements mis à disposition par les gouvernements et le système financier aux niveaux macro et micro-économiques depuis 2020, en relation avec la crise sanitaire, qui ont permis des levées de fonds records, notamment en capital-risque. Ils sont appelés à se réduire à l’initiative des banques centrales, et peut-être à être réorientés dans le contexte géopolitique actuel, par exemple dans l’énergie, les approvisionnements en matières premières…

On peut d’ailleurs se demander si l’une des principales orientations choisies par le gouvernement (05/2017-04/2022), le modèle des « licornes », célébrées à chaque franchissement de seuil, n’a pas excessivement privilégié la valorisation financière, bien que cela permette d’investir et qu’il soit plus difficile de couvrir des marchés et de créer des standards à partir d’une myriade de petites entreprises. Cela s’inscrit en fait dans une course à la valorisation financière qui est devenue depuis longtemps une raison d’être des « firmes nativement numériques ». Or, cette course, ayant particulièrement bénéficié aux « grandes entreprises nativement numériques » sur les marchés financiers états-uniens, pourrait être freinée dans les années à venir. Mais les nouvelles entreprises à forte croissance pourraient aussi connaître des conditions de financement plus difficiles.

Du point de vue de la « souveraineté », on a pu constater que près de la moitié des dernières levées de fonds des 9 « licornes » françaises du commerce de détail avaient impliqué des fonds d’investissement des Etats-unis et 28 % seulement des fonds français.

Les échanges à distance imposés ou favorisés par la crise sanitaire auront aussi moins d’impact sur l’adoption des solutions « numériques ».

Par contre, comme elles l’ont toujours fait, les entreprises « nativement numériques », surgies en grand nombre depuis une 10zaine d’années, utilisent les levées de fonds pour le développement international sur lequel elles bâtissent leur croissance. Ainsi, les « entreprises innovantes », dont 40 % dans le domaine de l’ « information, communication », réalisaient 20 % de leur chiffre d’affaires à l’export en 2018, selon une étude du « Ministère de l’économie, des finances et de la relance » et de « France stratégie ».

 

(MNP) Il est d’ailleurs intéressant que des économistes se soient interrogés sur une absence d’impact de cette diffusion du « numérique » sur la productivité, au vu de la stagnation du PIB et de la croissance de l’emploi entre 2019 et 2021. Les conséquences de la crise sanitaire constituent une explication apparente de la stagnation du PIB et il y a cependant des explications « classiques » de la baisse de la productivité (chômage partiel…). Mais si les économistes expliquent volontiers que les financements massifs par les banques centrales et les Etats ont empêché la liquidation d’entreprises non rentables, dites « entreprises-zombies », ils n’appliquent pas ce raisonnement au « numérique », où les faillites sont certes nombreuses, mais surtout, les financement colossaux.

 

2.2. Une « SOUVERAINETE » « NUMERIQUE » EST-ELLE ENCORE POSSIBLE ?

Il est indubitable que les Etats-unis et la Chine misent gros sur les technologies « numériques » et en ont fait un enjeu de puissance et de rivalité. Malheureusement, après des décennies d’usage régulier par le grand-public, les évolutions de ces technologies sont aujourd’hui surplombées par cette rivalité sino-états-unienne, qui passe aussi par la domination de mastodontes captant la plus grande part de la valeur ajoutée, notamment publicitaire et commerciale, mais qui sont néanmoins soumis à des restrictions réglementaires croissantes.

L’emploi informatique constitue un autre enjeu de la « souveraineté » dans la mesure où la conversion au « cloud » a un fort impact sur la productivité (MPS) et les ressources. La mutualisation réduit les besoins de personnels, mais son succès s’explique aussi par la simplification qu’il offre aux clients. Mieux vaut que les personnels soient en Europe. Curieusement, là encore, on n’entend que les complaintes vis à vis du manque de développeurs « cloud », sans vision globale, comme s’ils s’ajoutaient à ceux remplacés.

 

(MPS) Une étude de la « Banque de France » fait état d’un impact différenciant sur la productivité entre firmes industrielles (données de 2018), selon leur usage du « cloud » et des données massives en particulier. Mais elle ne prend pas en compte la hausse de la productivité qui résulte de la substitution d’infrastructures « cloud » pour les organisations existant depuis quelques décennies, alors que celle-ci contribue à la variation entre firmes.

 

2.2.1. Initiatives réglementaires susceptibles d’impacter le marché du travail du « numérique »

La France, l’UE et ses autres membres ont aussi entrepris de définir des règles adaptées et engagé des initiatives afin de regagner en « souveraineté » et entraver la domination des grands fournisseurs extra-européens (ASE).

La Commission européenne a en particulier fait feu de tout bois sur le terrain législatif ces derniers mois avec:

* le « digital markets act » (DMA), qui devrait être adopté en 2022, imposant aux « plate-formes-pivot » (ou « verrouilleurs/contrôleurs d’accès ») de services « numériques » – par exemple celles dont le chiffre d’affaires a dépassé 7,5 Mds€ au cours des 3 dernières années dans l’UE… – des obligations pour empêcher les abus de position dominante et, dans une moindre mesure à ce stade, les acquisitions « prédatrices » d’entreprises innovantes

* le « règlement 2022/868 du 30/05/22 sur la gouvernance des données », qui vise notamment à « créer un modèle européen de partage des données qui offrirait une approche alternative au modèle commercial actuel des plateformes technologiques intégrées, grâce à l’émergence d’intermédiaires de données neutres ».

* la proposition de « data act » du 23/02/22, qui vise à :

● faciliter le changement de fournisseurs de « cloud » et de traitements de données pour empêcher la captivité des clients, en particulier des entreprises

● favoriser la circulation des données, dont celles détenues par les gros opérateurs

empêcher l’exploitation des données à des fins de concurrence déloyale

* la proposition de règlement en matière d’« IA » du 21/04/21, qui ne comporte toutefois que des règles éthiques

Mais c’est le « Règlement général sur la protection des données », transposé en France en 2018, qui a indirectement permis d’ouvrir une brèche. Il a en effet conduit la « Cour de justice de l’Union européenne » (CJUE) à invalider le 16/07/20 un accord entre l’UE et les Etats-unis – qui autorisait les entreprises à transférer des données entre les deux entités – car les données personnelles pourraient faire l’objet d’une surveillance de la part des autorités des Etats-unis, notamment en vertu du « cloud act » (CAU, CAS).

Dans le sillage de cette décision, le gouvernement français (05/2017-04/2022) a conçu d’attribuer des certificats de « cloud de confiance », imposant notamment que les infrastructures de stockage et de traitement de données soient exploitées dans l’UE par une entité européenne détenue majoritairement par des acteurs européens. Un dispositif-clé de ces certificats est la qualification au regard d’un référentiel d’exigences, dit « SecNumCloud », établi par l’ « Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information » (ANSSI), qui fait notamment référence à la localisation des données dans l’UE et à la protection vis à vis du droit extra-européen, en précisant les règles précitées (siège du prestataire dans l’UE, seuils de capital social…).

Les opérateurs de « cloud », en particulier états-uniens, qui sont de facto soumis au « cloud act », sont ainsi incités à passer des accords avec des opérateurs européens (AEF), une stratégie soutenue par le gouvernement français (05/2017-04/2022), mais qui confirme une dépendance technologique.

Cela peut-il freiner l’adoption accélérée par les entreprises « européennes » des infrastructures « cloud » des grands fournisseurs états-uniens et chinois ? Notons que ces grands opérateurs de « cloud », états-uniens en particulier, continuent à implanter leurs centres de données et à engranger des contrats de services en nombre. Une étude de Synergy research group a révélé que les parts de marché des 3 grands opérateurs états-uniens (Amazon, Microsoft et Google) n’avaient cessé de croître entre le 1er trimestre 2017 et le 2ème trimestre 2021 pour atteindre 69 % du marché européen du « cloud », au détriment des opérateurs européens. Or, en deçà des places de marché, les infrastructures de « cloud » constituent métaphoriquement des centres commerciaux en ligne, qui peuvent donc capter une grande part de la valeur ajoutée économique à travers la location de leurs services.

D’autre part, compter sur une divergence juridique ne constitue pas une stratégie solide et pérenne. D’ailleurs, un nouvel accord de principe entre l’UE et les Etats-unis a été annoncé dès le 25/03/22 pour se conformer au jugement de la CJUE.

 

(ASE) Comme les initiatives du gouvernement français, les propositions de règlement européen ne sont appréhendées dans ce paragraphe que sous l’angle de la « souveraineté », qui permettrait d’envisager des recrutements substantiels pour substituer des produits et services « numériques » à ceux offerts par les grands opérateurs extra-européens. Ceux-ci ont des équipes et créent des emplois indirects en France, mais cela ne génère pas de goulot d’étranglement. Apple ne comptait que 2465 employés en France en 2018, Microsoft, 1600, et les autres, hormis Amazon, pas plus de quelques centaines, dont bien moins ont un profil technique.

(CAU) Cette loi permet notamment à des autorités judiciaires et gouvernementales des Etats-unis de solliciter auprès des fournisseurs de services opérant aux États-Unis les communications personnelles d’un individu sans qu’il en soit informé, ni son pays de résidence, ni le pays de stockage des données.

(CAS) L’arrêt de la CJUE a suscité beaucoup de commentaires et d’études dont celle-ci de la vi//a.numeris, qui couvre bien le sujet.

(AEF), Voir par exemple « Souveraineté ? Thales s’allie avec Google pour lancer un cloud de confiance en France », « Cloud de confiance : Capgemini et Orange se lancent dans la mêlée ».

 

2.2.2. Financement et coordination de projets relatifs au « cloud »

Au niveau européen, le projet Gaia-X, une infrastructure « cloud » que doivent développer de grands opérateurs et de grands clients, notamment allemands et français, est censé rétablir une forme de « souveraineté » en matière d’hébergement de données. Mais elle accueille aussi de grands opérateurs états-uniens et chinois, ce qui fait planer un doute sur sa vocation première. Elle permettra cependant :

* le respect de bonnes pratiques, notamment orientées vers la liberté de choix des clients, d’ailleurs conformes au DMA: portabilité des données, interopérabilité, réversibilité transparence des offres de services « cloud »…

* la conception de normes techniques d’administration des systèmes, pilotée par des organismes européens (INRIA en France…)

* le développement d’espaces de données mutualisés au sein de filières industrielles

D’autre part, 12 Etats-membres ont décidé de mobiliser 7 Mds€ de fonds publics et privés pour développer une prochaine génération de services et d’infrastructures « cloud ». Le gouvernement français (05/2017-04/2022) souhaitait déjà mobiliser 1,8 Md€ entre 2021 et 2025 à l’échelle française avec le concours d’acteurs privés – dont 60 M€ seront consacrés à la formation – notamment afin de consolider et développer des offres françaises de « cloud ».

Ce sont en effet aussi les services des couches supérieures, notamment pour la création d’applications, qui font la force des grands opérateurs de « cloud » états-uniens et chinois.

Une autre initiative vise à constituer globalement des « communs numériques » au niveau européen, c’est-à-dire des catalogues de données ouvertes et de logiciels libres. Mais il existe par exemple déjà des plate-formes de gestion de données prêtes à l’emploi qui peuvent être installées sur les infrastructures « cloud » de divers fournisseurs.

 

2.2.3. Financement et coordination de projets relatifs à l’« IA »

Le gouvernement français (05/2017-04/2022) a aussi cherché à promouvoir l’ « IA » et devrait y avoir consacré plus de 3 Mds€ entre 2018 et 2025, en plus des aides à l’innovation, par exemple délivrées par Bpifrance. Mais l’ingénierie de solutions propres bâtit le plus souvent sur des technologies inventées il y a plusieurs décennies – notamment améliorées et assemblées par les mêmes grands opérateurs de « cloud » états-uniens et chinois – que tous les personnels spécialisés du monde manipulent déjà, une partie de ces technologies étant d’ailleurs sous licence libre. Des percées technologiques, par exemple la conception de nouveaux modèles d’« IA », relèvent moins des « développeurs informatiques », comme on en forme des dizaines de milliers chaque année en France, et de praticiens de l’« IA » (en 3 à 4 mois pour ceux qui sont déjà « développeurs informatiques »), que de ceux, effectivement plus rares, qui ont des capacités de recherche et de transformation.

Le gouvernement (05/2017-04/2022) a en particulier envisagé d’attirer des chercheurs étrangers. Mais comme expliqué précédemment, ce n’est pas l’enjeu direct. En fait, des chercheurs français ont déjà créé de nouveaux modèles très performants, mais beaucoup d’utilisateurs à travers le monde ne savent pas par qui, ni où ils ont été conçus, moins encore quand ils sont sous licence libre, et c’est inversement vrai pour les utilisateurs français de modèles conçus par des chercheurs étrangers à l’étranger (DOB). On voit aussi apparaître des réseaux de coopération mondiaux. De surcroît, les chercheurs étrangers ne sont pas une population stable.

Le financement de la recherche académique dans ces domaines est néanmoins impératif, mais il s’agit d’abord que les opérateurs et clients français et européens maîtrisent des technologies et infrastructures communes, sans dépendre d’opérateurs extra-européens, et surtout que les clients européens adoptent les solutions européennes qui existent, plutôt que céder à la facilité. La commande publique peut certainement jouer un rôle plus important à cet égard.

 

(DOB) Si bien d’autres régimes de protection sont possibles, la doctrine de l’Office européen des brevets à l’égard de l’« IA » est d’ailleurs assez restrictive : « …les inventions impliquant l’« IA » sont considérées comme des « inventions mises en œuvre par ordinateur…qui font intervenir des ordinateurs, des réseaux informatiques ou d’autres dispositifs programmables dans lesquels au moins une caractéristique est réalisée grâce à un programme…les inventions impliquant un logiciel ne sont pas exclues de la brevetabilité dans la mesure où elles présentent un caractère technique.  ».

 

2.2.4. Au bénéfice de qui ?

Aucun univers professionnel n’est plus cosmopolite que celui du « numérique » et la France accueille déjà beaucoup d’informaticiens étrangers, mais aussi des chercheurs en « IA » – ou dans des disciplines qui s’y rapportent – dont il faudrait justement faire un décompte exact. L’ « IA » est un domaine exemplaire de la contradiction entre une « souveraineté » revendiquée et l’internationalisation des équipes, que ce soit dans les universités, les entreprises… D’ailleurs, le secrétaire d’état au numérique (2019-2022) entendait poursuivre la facilitation de l’accès des extra-européens au marché du travail du « numérique » en France et dans l’UE, alors que de multiples dispositifs ont déjà été mis en place pour accroître l’intégration d’extra-européens dans les entreprises « innovantes », même sans diplôme: « passeport talent », « French tech visa »(CCI).

Si le contexte géopolitique actuel, marqué par des violations résurgentes du droit international et de l’intégrité de l’Ukraine en particulier, toutefois condamnées par un très grand nombre de nations, donne l’impression d’une régression, le domaine du « numérique » évolue plutôt vers un « stade suprême du libre-échangisme mondial », dans lequel les Etats sont voués à perdre pied, malgré leur capacité réglementaire. C’est une maigre consolation de savoir que les algorithmes partagés à l’échelle de la planète ne discrimineront pas les ingénieurs chinois installés en France, plutôt que d’y transposer le « crédit social » à la chinoise.

 

En France comme en Chine, les exclus sociaux seront de toute façon toujours les premiers discriminés et la dissémination des technologies « numériques » ne fera qu’aggraver leur sort. Il s’agira bien moins de la capacité à les utiliser – qui se résoudra progressivement – que de celle de les acquérir par manque de moyens financiers. Tandis que certains bénéficieront des technologies les plus avancées, en particulier en matière de santé et de longévité, les pauvres seront de plus en plus marginalisés dans le maillage « numérique » enserrant les individus et les groupes, jusqu’à la privation de moyens de survie autonome, par exemple d’appareils de paiement fiables (téléphones multi-fonctions…) avec la diffusion massive des monnaies électroniques.

Dans la mesure où les biais sociaux sont relégués au second plan par ceux qui les traquent dans les programmes d’« IA » , les biais les plus discriminants persisteront, d’autant qu’ils sont encore plus dédaignés par les élites mondiales, sauf vis à vis des pays en développement, notamment par crainte de mouvements sociaux de très grande ampleur, mais aussi par souci d’un minimum vital.

Les contradictions des discours vis à vis du réel masquent avant tout un processus d’élitisation généralisé consistant en une compétition pour « les meilleurs » à l’échelle du monde, peu important les conséquences en matière d’organisation des marchés du travail nationaux et des sociétés.

 

(CCI) La hausse des nombres de premiers titres de séjour attribués à des extra-européens pour motifs « salarié », « scientifique » et « étudiant » n’a été interrompue que par la crise sanitaire en 2020, sachant que les activités « numériques » sont un des principaux consommateurs des 2 premiers:

* motifs « salarié » (dont « admissions exceptionnelles ») et « scientifique » : de 30 879 en 2017 à 34 329 en 2021, mais 40 522 en 2019

* motif « étudiant » : de 80 339 en 2017 à 85 080 en 2021, mais 90 336 en 2019

 

2.3. Des CHAMPS d’INNOVATIONS « ADDITIVES » ou « SOUSTRACTIVES » ?

Il n’est pas du ressort de cet article de décrire les grandes tendances du « numérique », mais on peut néanmoins en évoquer quelques-unes en s’interrogeant sur leur impact vis à vis de l’emploi informatique. A cette fin, on les segmente très sommairement, selon :

* leur degré d’innovation technologique ou par rapport aux capacités humaines ; ainsi, la réalité virtuelle redeviendra une technologie vraiment novatrice quand il sera possible de commander des objets virtuels ou réels par la pensée, ce qui semble d’ailleurs le but du patron de Facebook/Meta

* leur degré de diffusion, qui n’implique pas pour autant un développement corrélé de l’emploi informatique

* leur usage prioritaire dans la production ou la consommation

* leur dimension stratégique, qui peut justifier des investissements importants, notamment publics….comme d’autres domaines, mais sans qu’elles soient encore tirées par la demande finale

Une partie de ces technologies peuvent cependant être mises en œuvre ensemble, par exemple la réalité virtuelle, l’internet des objets, la robotique dans le contexte de sites industriels associant bureaux d’études et équipements de production.

 

2.3.1. Les technologies incrémentales à diffusion massive

La réalité virtuelle est opérationnelle depuis longtemps, même si le métavers, notamment envisagé par le patron de Facebook/Meta comme relais d’innovation et de publicité, va poser des défis liés à l’animation de gigantesques volumes de données, soit surtout des problèmes de réseaux (5G…), de cartes graphiques, d’équipements électroniques… Elle requiert des compétences multimédias/audiovisuelles pour les contenus, en empruntant beaucoup aux jeux vidéo pour aller vers des « jeux sérieux » et éventuellement vers la constitution d’équipes de représentants personnels sous la forme d’avatars assurant la démultiplication de soi et son ubiquité. Déjà en 2012, il était possible d’acheter des objets liés aux jeux sur des plate-formes de jeux vidéo avec de l’argent réel, et désormais avec des « cryptomonnaies ».

Mais le patron de Facebook compte aussi y introduire l’« IA » dans le cadre d’un dispositif de surveillance totale des individus, qui soulève surtout des questions relatives à la vie privée (après adhésion explicite), à l’autonomie, aux manipulations, aux libertés publiques…, en plus du risque d’une nouvelle strate d’exclusion numérique, plus radicale que les précédentes, dont un gouvernement responsable devrait donc s’occuper en priorité (LMV). Mais il est douteux que la proposition de règlement précité en matière d’« IA » du 21/04/21, émanant de la Commission européenne, puisse y mettre des freins car on criera alors au blocage de l’innovation dans l’UE. Un « metavers européen », tel qu’annoncé par le Président de la République dans son discours de candidature le 17/03/22, ne sera qu’une alternative, bien que le respect de certaines règles puisse être un facteur d’attractivité pour les utilisateurs.

Les chaînes de blocs sont pour leur part un exemple remarquable de productivité des technologies de l’information puisqu’elles sont susceptibles de se substituer à une multitude de réseaux électroniques, fondés sur d’autres protocoles, dont la mise en œuvre requérait beaucoup de main d’oeuvre, qu’il s’agisse de réseaux bancaires, d’échanges de données informatisés, …, au moins entre organisations. Dès lors que les chaînes de blocs deviennent accessibles au grand-public, elles constituent cependant un nouveau marché, mais il ne s’agit que d’ajouter de nouvelles fonctionnalités aux réseaux existants (web, mobiles…), en particulier d’authentification, de certification, de contractualisation opératoire, de propriété etc…, en modifiant éventuellement le statut des informations numérisées (actifs valorisés…).

L’internet des objets est aussi un marché englobant des technologies communicantes, elles-mêmes regroupées sous l’acronyme anglais M2M (« machine à machine »), qui reposent toutefois prioritairement sur des réseaux mobiles et leurs protocoles propres. Le marché du M2M était déjà estimé à 24,2 Mds€ en 2013. Le « data act » (voir « 2.2.1. Initiatives réglementaires susceptibles d’impacter le marché du travail du « numérique » ») est particulièrement approprié pour la régulation des données issues des « objets connectés » et éviter leur rétention par les mêmes grands opérateurs de « cloud » pour lesquels ces objets s’inscrivent dans une palette de capteurs.

L’internet des objets est un marché prometteur sous l’angle commercial, mais les compétences qu’il requiert se ramènent à des compétences informatiques classiques : gestion des données, gestion des réseaux, cybersécurité… et des formations plus spécialisées sont déjà en place. Un des principaux types d’objets connectés en France, les compteurs d’énergie et d’eau, n’a par exemple qu’un faible impact sur le marché du travail des informaticiens.

Si la France et l’UE se sont positionnées sur les technologies précitées, on peut se demander pourquoi elles ont peut-être encore raté une « révolution » sous leurs yeux, celle du développement sans code. Peut-être car une telle évolution n’est pas conforme aux stéréotypes sur le « numérique » (voir « I. La glorification du « numérique » ») et car elle s’effectue sans financement public, faisant même partie des standards de l’informatique.

 

(LMV) Il est toutefois possible que les libertés soient telles dans le « métavers » que les pauvres puissent se promener nus s’ils n’ont pas les moyens d’acquérir des vêtements virtuels. Des « lits de fortune » (équipés de machines à sous, mais aussi d’écrans de mise en abîme) seront aussi probablement installés dans les rues pour qu’ils puissent y dormir et se distraire sans trop d’inconfort.

 

2.3.2. Les technologies incrémentales à finalité prioritairement productive

La robotique n’est pas une « technologie » nouvelle bien qu’elle ne cesse de progresser vers des machines plus autonomes, notamment avec le concours de l’« IA » (vision assistée par ordinateur…). Il est vraisemblable que les investisseurs s’engageront plus volontiers dans ce qui leur apparaîtra comme des industries d’avenir, reposant donc sur la robotique, avec un impact éventuellement moins redoutable sur l’emploi, car il a déjà beaucoup baissé dans l’industrie manufacturière, celle-ci ne représentant plus que 10 % de valeur ajoutée totale en France (2020).

Au niveau mondial, le stock de robots industriels était estimé par l’ « International federation of robotics » (IFR) à plus de 3 millions d’unités en 2020, en croissance de 10 %. La France se classait 16ème dans le monde avec 194 robots pour 10 000 employés dans l’industrie manufacturière, l’Allemagne 4ème avec 371.

Pour d’autres activités (gestion d’entrepôt, nettoyage, surveillance…), les robots doivent être encore plus autonomes, et la part d’intervention laissée aux clients ou opérateurs locaux (paramétrage, pilotage éventuel, maintenance…) sera beaucoup plus circonscrite que pour les sites web de commerce en ligne par exemple. C’est ce que confirme une des notes de l’IFR : « La tendance à la robotique à bas coût s’accompagne de configuration et installation faciles, avec des applications spécifiques pré-configurées dans certains cas. ». La robotique requiert plus de chercheurs pour créer des robots que de « développeurs informatiques ».

L’impression 3D relève de la même catégorie bien que les technologies « numériques » de ces machines soient moins sophistiquées et semblent plus facilement modifiables, les machines ad hoc elles-mêmes étant plus facilement disséminables. Mais leur diffusion est toutefois encore limitée par les coûts des machines, des matières à transformer, de l’énergie consommée, par la méconnaissance des interfaces « numériques », par exemple de la part des artisans etc.

Dans l’industrie et l’artisanat, il est vraisemblable que de très grands catalogues de formes standard vont proliférer et que des progiciels de conception assistée par ordinateur seront privilégiés au détriment du développement informatique « local ».

 

2.3.3. Les technologies de rupture susceptibles d’impacter l’emploi informatique

Si les véhicules autonomes peuvent bénéficier de la maturité de certains composants (géolocalisation, cartographie…) et si les recherches sont anciennes, leur assemblage pour autoriser le fonctionnement et la mobilité de ces véhicules en environnement « réel » en fait une « technologie de rupture », empruntant toutefois à la robotique (vision assistée par ordinateur, mécanismes automatiques…) et à l’internet des objets. C’est en fait l’« IA » pour décider des actions à réaliser qui en est la principale innovation.

Mais la structure de la concurrence sur le marché des véhicules routiers pourrait conduire au développement de solutions (doublement) « autonomes », propre à chaque constructeur/opérateur de véhicules ou consortium, plutôt qu’au recours à des algorithmes sous licence libre (et complétés). La plupart y travaillent déjà. C’est d’ailleurs un domaine où le dépôt de brevets est très actif. Inversement, du fait des investissements lourds pour produire des véhicules motorisés, il n’est pas certain que de tels algorithmes favorisent l’éclosion d’une multitude de nouveaux constructeurs, suscitant de forts besoins de développement informatique, indépendants des grandes firmes « nativement numériques ». Mais ils pourraient l’être par la fourniture d’équipements, d’infrastructures et de services associés aux véhicules autonomes, sachant que les services de mobilité (co-voiturage, réservation de véhicules…) prolifèrent déjà.

Les véhicules autonomes professionnels pourraient avoir un impact socio-économique positif pour pallier les (vraies) pénuries de chauffeurs de camions. Le gouvernement (05/2017-04/2022) a conçu une « stratégie nationale de la mobilité routière automatisée 2020-2022 », dans le cadre de laquelle le soutien public à l’innovation doit atteindre 300 M€ entre 2021 et 2025.

La France compte déjà des services de grands groupes, des entreprises, des laboratoires de recherche…, spécialisés dans les technologies quantiques : calcul quantique , communications, cryptographie …, et un plan d’investissement d’1,8 Md€ sur 5 ans a été annoncé le 21/01/21, avec une participation d’1 Md€ de l’Etat. Mais ces technologies, devant permettre de résoudre des problèmes mathématiques insolubles avec les supercalculateurs, relèvent encore de la « recherche et développement », même si des ordinateurs et services quantiques à la demande (« cloud ») sont déjà commercialisés.

En matière de communications en particulier, ce qui devrait déboucher sur un « Internet quantique », le directeur de la « stratégie et des programmes futurs pour les communications sécurisées » chez Airbus estimait lors d’une audition parlementaire que « la France possède toutes les ressources et compétences dans ses laboratoires et universités pour se positionner fortement et aboutir à une autonomie maximale ». Par contre, des laboratoires déplorent un manque de chercheurs.

Ces technologies pourraient imposer la refonte des systèmes d’information, réseaux, infrastructures et services « numériques », mais à quel horizon ? Ce sera probablement assez progressif avec des cas d’usage d’abord limités à des problèmes très spécifiques. Mais pour l’analyse de données par exemple, les compétences seront les mêmes que pour l’« IA », avec des algorithmes ad hoc.

 

2.4. Des FACTEURS PROPICES à la COMPRESSION des PERSONNELS INFORMATIQUES

De multiples facteurs vont tendre à restreindre le besoin de main d’oeuvre pour les activités techniques du « numériques », marquées par une forte productivité, alimentée par les évolutions suivantes.

 

2.4.1. Les facteurs d’accessibilité, de simplification et d’assistance

* La généralisation des interfaces graphiques

● intégrées depuis longtemps dans les progiciels utilisés en masse depuis des décennies au sein des organisations, et dans des outils de création et de publication sur le web (PMC)

● mais aussi désormais pour des tâches où dominait le codage, comme le développement web

* La généralisation des bouquets/magasins de fonctions/services/applications, en particulier pour l’« IA » (PIA)

* Louverture accrue des codes, qui permet leur reproductibilité

* Le développement sans code – au fondement des progiciels – et à « code d’appoint » (« low code »)

des millions de créateurs de sites web, applications mobiles…, étant désormais familiarisés avec les procédures et les outils informatiques mis à disposition sur les plate-formes d’hébergement dans le « cloud »

* L’automatisation du codage, qui prend pour le moment la forme d’une assistance (contrôle, correction…)

* l’évolution des méthodes de gestion de projet réduisant les risques de dépassement de délais…(SCRUM…)

* L’acculturation; par exemple, le directeur de l’Assurance-maladie présentant le « dossier médical partagé »(DMP) dans les médias s’exprime comme un chef de projet informatique etc.

 

(PMC) En octobre 2020, le système de gestion de contenus (CMS) le plus utilisé au monde revendiquait de supporter 30 % des 10 premiers millions de sites web en mai 2019.

(PIA) La conception même des architectures de réseaux de neurones peut être automatisée en fonction de critères de performance.

 

2.4.2. Les facteurs liées aux infrastructures

Le cabinet d’analyse Gartner a émis des prédictions pour 2022, à prendre avec précaution, mais aussi avec attention, étant donné sa longue expertise :

* les infrastructures intégrées de données, qui correspondent en particulier aux données massives et donc à l’« IA », devraient « quadrupler l’efficience de l’usage des données, tout en réduisant les tâches humaines de gestion des données par quatre en 2024 » (DOD)

* les organisations qui adopteront des architectures de cybersécurité par domaines interreliés, avec une infrastructure commune, permettant de faire coopérer les outils dédiés, réduiront l’impact financier des incidents individuels de sécurité de 90 % en moyenne en 2024 (CSF)

* les plate-formes nées dans le « cloud », n’exigeant donc pas de lourdes migrations de données et beaucoup de maintenance, serviront de fondation à plus de 95 % des nouveaux projets « numériques » en 2025, par rapport à 40 % en 2021

* le paradigme d’applications composables, à partir d’interfaces applicatives et de modules-métier réutilisables, se sera imposé d’ici à 2024

 

(DOD) La diffusion massive d’outils informatiques d’exploitation des données par des non-informaticiens, avec des chaînes de traitement complexes (informatique décisionnelle), remonte au début des années 1990 et ils assurent remarquablement la gestion des données qui ne requièrent pas de traitements d« IA », en particulier de multiples options de visualisation.

(CSF) Dans le contexte géopolitique actuel, la France dispose a priori d’un dispositif de cyberdéfense assez avancé – au moins en état de paix – ce dont témoigne aussi le directeur général de l’ANSSI. Mais la France a néanmoins encore renforcé ses moyens dans le cadre du plan France relance, ce qui n’empêchera pas de nombreuses organisations de continuer à être victimes de cyberattaques, en particulier selon les moyens qu’elles emploieront pour se protéger.

 

2.4.3. De probables fusions et acquisitions

Sur les marchés du « numérique », devenus ultra-concurrentiels, il faut s’attendre à des rachats, consolidations et fusions. Gartner le confirme aussi à l’échelle des Etats-unis, du Canada et de l’Europe: « La consolidation de fournisseurs avec un haut degré de recouvrement a augmenté de 65 % pour les services [informatiques] et de 40 % pour les [éditeurs de] logiciels au 2ème semestre 2020 par rapport à 2018 et 2019 ».

En France, cette tendance a aussi été perçue par le journal « Les Echos ». Une note de l’ « Autorité de contrôle prudentiel et de résolution » (ACPR), en charge de l’agrément et de la surveillance des établissements financiers, a fait le point sur la floraison de nouveaux acteurs du paiement et de monnaie électroniques, en soulignant que « nombre d’entre eux affichent encore une faible, voire une absence de- rentabilité ».

La « Banque publique d’investissement » (Bpifrance), un des principaux investisseurs du secteur en France a pris acte de la maturité de certains pans du « numérique » en lançant un « plan deep tech » en 2019, qui ne concerne toutefois pas seulement le « numérique » (et n’est pas tourné vers la recherche).

 

III. TENDANCES de l’OFFRE et de la DEMANDE de TRAVAIL dans le « NUMERIQUE »

3.1. Des FORMATIONS en TRES FORTE CROISSANCE

Sur l’autre versant du marché du travail, on assiste à un pullulement des formations à l’informatique (la partie technique du « numérique ») et au « numérique » depuis de nombreuses années, mais avec un essor substantiel les 2 dernières, sous l’aiguillon des financements publics.

 

3.1.1. Formations recensées par Pôle-emploi

Selon Pôle emploi, il y avait en France en mars 2022 :

Source : Pôle emploi FORMATIONS à l’INFORMATIQUE en FRANCE (en nombres)
  Formations certifiantes (8532)
Niveaux de sortie Niveaux de sortie
Tous niveaux Bac+3 à bac+5 Tous niveaux Bac+3 à bac+5
Niveaux d’entrée Bac+2 2079 1461 1686 1432
Bac+3 à bac+5 1005 690 810 664

 

Les disparités de nombres, en particulier entre les niveaux d’entrée et de sortie, peuvent provenir de reconversions, par exemple de bac+2 non informatique à bac+2 informatique, ou de certifications qui ne peuvent prétendre à un niveau de sortie officiel, tout en déclarant un niveau d’entrée, a fortiori en l’absence de certification. Il peut aussi y avoir des recoupements entre formations.

Sans pouvoir faire de calcul précis dans le cadre de cet article, 1563 formations avec un niveau de sortie à bac+2 au moins affichent rarement moins de 400 heures, souvent plus de 1000 et peuvent aller jusqu’à plus de 3600.

Ces chiffres sont trop partiels pour être très significatifs, mais une étude poussée pourrait les prendre en compte et les apparier avec les embauches de personnels informatiques (DRN).

 

(DRN) A cet égard, rappelons que les « recrutements nets » (par exemple pour les cadres : « recrutements bruts » + « promotions internes » – « sorties ») permettent d’apprécier la dynamique du marché, comme premier correctif des seuls « recrutements bruts ». Mais ils ne couvrent pas pour autant le rapport entre l’offre et la demande de travail. Les sorties de formations constituent des entrées potentielles sur le marché du travail, qui ne sont pas intégralement prises en compte, moins que les sorties définitives (retraites, reconversions…rapides). D’autres paramètres doivent compléter les « recrutements nets » : entrées/sorties du chômage etc. Mais c’est surtout la différence entre « recrutements nets » et « promotions internes » qui révèle les opportunités pour les nouveaux entrants.

 

3.1.2. Difficile évaluation du nombre de diplômés en informatique

Malheureusement, il est très difficile aujourd’hui de connaître le nombre de diplômés spécialisés en informatique (ou même « numérique ») entrant sur le marché du travail, car les décomptes sont très dispersés. C’est rendu d’autant plus compliqué par les modalités d’insertion progressives, de type apprentissage. C’est pourquoi on mentionne aussi des effectifs. Il s’agit plutôt de formations initiales. Mais, en comparaison des formations recensées par Pôle-emploi ci-dessus, ces entrants potentiels sur le marché du travail sont très minoritaires par rapport aux sortants de toutes les formations dispensées en France.

Par exemple, les seuls diplômés de DUT de technologie, soit une filière très spécifique, indépendamment des ingénieurs, étaient en 2019/2020:

* 3037/3520 en « génie électrique et informatique industrielle »

* 3139/3511 en « génie mécanique et productique »

* 1223/1417 en « réseaux et télécommunications »

* 3595/4079 en « informatique »

* 1673/2014 en « métiers du multimédia et de l’internet »

* 495/653 en « statistiques et informatique décisionnelle »

Mais une partie d’entre eux poursuivent leurs études. Ainsi, 13 % des étudiants en cycle d’ingénieur étaient issus de DUT en 2014-2015.

Les effectifs du cycle ingénieur en 20202021 étaient :

* 17 300 en « informatique et sciences informatiques », par rapport à 11 175 en 2014-2015, soit une hausse de 55 %

* 8923 en en « sciences physiques, mathématiques et statistiques », susceptibles d’évoluer vers le traitement des données (DSI)

A ceux-là, s’ajoutent les étudiants en masters universitaires.

Dans le domaine très couru des « sciences de données » (« IA »…) et données massives, le nombre de masters est passé de 35 en 53 entre 2019 et 2021.

En complément, la « Grande école du numérique », groupement d’intérêt public, rassemblait 498 organismes de formation publics et privés en 2020, soit une petite partie de la multitude des organismes de formation aux métiers techniques du « numérique ».

En 2020, les effectifs des 3 familles de métiers les plus représentées dans les divers établissements étaient:

* 9560 apprenants pour les « développement et intégration web »

* environ 1150 pour les « réseaux, infrastructures et sécurité »

* 977 pour les métiers liés à la gestion des données

Mais on comptait environ 30 % d’abandons en 2018 et 2019.

L’école 42, qui ne fait pas partie de ce réseau, revendique 12 000 diplômés en 9 ans d’exercice et 4200 étudiants sur son campus parisien en 2022. Le taux de sélection était estimé à environ 15 % en 2017.

 

(DSI) On observe un phénomène assez inquiétant à travers les annonces des organismes de formation oeuvrant pour les entreprises, avec le concours de Pôle-emploi, consistant à privilégier des diplômés de disciplines scientifiques au chômage au détriment de spécialistes de l’informatique. Si les diplômés de filières scientifiques (physique, chimie, mécanique, biologie, mathématiques…) ne trouvent pas d’emploi en France et sont massivement recyclés dans le « numérique », avec son cortège de services de loisirs et publicitaires…, la France risque de ne pas pouvoir relever d’autres défis que « numériques », ni satisfaire ses besoins dans un avenir proche. Le chômage ne tardera alors pas à rebondir, comme l’expliquait aussi l’économiste Daron Acemoglu en 2021.

Une enquête de l’APEC a d’ailleurs confirmé que l’« évolution du taux d’emploi à 12 mois » des jeunes diplômés en « sciences fondamentales » était à peine supérieur en 2019 à celui de ceux en « lettres, langues et arts », le plus faible, et encore au 4ème rang sur 5 en 2021.

 

3.1.3. Les organismes de formation voient leur « numérique » en rose

Le dirigeant d’une école informatique réputée maniait à l’occasion des élections politiques du 1er semestre 2022 un discours paradoxal.

D’un côté, il estimait les besoins à 1 million d’informaticiens dans les 10 ans à venir. Un tel discours relève du pur lobbying dans la mesure où ce chiffre a été extrapolé et surmultiplié par confusion, à partir des fameux « 80 000 » (sur au moins 5 ans et non par an), qui avait défrayé la chronique en 2015 (voir « 3.3.4. L’étude d’empirica, une référence…depuis 2015 » ci-dessous). On ne saurait faire plaidoyer pro domo plus sensationnel.

De l’autre, il déplorait la multiplication des écoles qui ne répondraient pas aux critères de qualité.

Or, la sélection est souvent drastique, même dans les formations de 3 mois qui relèvent de la formation continue. Pour des formations financées par des organismes publics (BAP), par exemple dans le cadre de la « préparation opérationnelle à l’emploi individuelle » (POEI), financée par Pôle-emploi, le taux de sélection oscille entre 10 et 15 % pour les métiers techniques de gestion des données et le remplissage est réalisé en une 15zaine de jours après l’annonce pour quelques dizaines de places. Mais le taux de sélection peut descendre à 1 % s’il s’agit d’une formation organisée pour une entreprise particulière, tant certaines formations attirent de candidats, alléchés par la rumeur médiatique. Le niveau de diplôme préalable requis est en général bac+4/5.

Que peut-il d’ailleurs se passer à l’audition de ce chiffre d’un million ? Quelques gogos y croiront probablement. Mais d’autres se diront que c’est un peu exagéré…Alors peut-être la moitié ? Pourquoi pas les 3/4 ? Ou les 2/3 ?

Il y a une forme d’irresponsabilité dans de tels discours car lorsque des excédents de personnes formées apparaîtront clairement, ces discours évolueront et on entendra qu’il est normal que les organisations sélectionnent drastiquement – ce qu’elles font déjà – et qu’elles ne peuvent pas prendre n’importe qui. Ce schéma d’ « armée de réserve » accentue l’inégalité par rapport à l’amélioration du confort offert à une partie des salariés, choyés dans de nombreuses organisations et bénéficiant de multiples avantages croissants, notamment d’aménagements du temps et du lieu de travail. La loi de l’offre et de la demande ne joue pas de manière défavorable aux salariés à cet égard car cette tendance traverse plusieurs secteurs d’activité, en confortant les positions acquises (voir aussi « 3.5.2.1. La compétition pour « les meilleurs » » ci-dessous).

Les organisations doivent aussi dompter cette peur de manquer de personnel, qui est accentuée en France où le « principe de précaution » est aussi surappliqué par ceux qui le dénonce dans d’autres domaines.

 

(BAP) Dans la mesure où une part de ces formations sont financées par des organismes publics (Pôle-emploi, collectivités locales…), certaines situations dérogent à des critères d’équité, par exemple lorsque des demandeurs d’emploi bénéficient d’une prise en charge complète alors qu’ils disposent de droits sur leur « compte formation » et perçoivent de surcroît une indemnisation optimale, par exemple sous la forme de l’ARE, tandis que des demandeurs d’emploi de longue durée sont privés des 3 dispositifs. Ceux-ci sont aussi plus systématiquement écartés de l’accès aux formations dans le cadre de nouvelles procédures consistant pour les organismes de formation à n’accepter que ceux qui ont trouvé une entreprise pour les embaucher et participer au financement, toujours avec le soutien d’organismes publics, qui renforcent ainsi les discriminations.

 

3.2. DOUBLEMENT des DEMANDEURS d’EMPLOI en 10 ANS

On l’a évoqué dans l’introduction, selon les relevés mensuels de DARES-Pôle-emploi, le nombre de demandeurs d’emploi pour les métiers des « Systèmes d’information et de télécommunication » a évolué :

* en catégorie ABC : de 32 300 en janvier 2012 à 69 200 en janvier 2022

● avec un pic à 77 000 en octobre 2020

* en catégorie A: de 26 300 en janvier 2012 à 49 200 en janvier 2022

● avec un pic à 59 500 en octobre 2020

La période de 10 ans est choisie arbitrairement dans le cadre de cet article, mais cette augmentation peut -être tracée sur une période plus longue.

 

3.3. Des « DIFFICULTES de RECRUTEMENT »… DIFFICILES à EVALUER

3.3.1. Seul le point de vue des employeurs est pris en compte

Le principal défaut des enquêtes sur les besoins de recrutement est de ne prendre en compte que le point de vue des employeurs. Quelle analyse économique peut-on faire en ignorant l’un des pôles structurant un marché, celui de l’offre de travail en l’occurrence, pour mesurer les difficultés d’embauche ?

Des salariés et demandeurs d’emploi sont toutefois interrogés dans le cadre de certaines enquêtes, mais le poids des opinions dominantes n’est pas équivalent dès lors que les dirigeants d’entreprises sont fréquemment en contact avec leurs pairs, que ce soit à travers de multiples organisations ou leurs représentants dans les médias, ce qui favorise l’élaboration de représentations partagées, tandis que les demandeurs d’emploi n’ont par exemple de contacts que lors de formations et leurs avis sont de toute façon peu pris en compte au-delà d’éventuelles enquêtes ciblées.

Il est d’ailleurs très frappant que les discours, même dans certaines études qui citent abondamment les recruteurs, ne correspondent pas aux chiffres présentés, en particulier en matière de salaires. Comme certains journalistes (voir « 1.3. La manipulation par certains médias »), les auteurs de certaines études semblent manquer de l’expérience nécessaire et des connaissances liées à certains métiers pour relativiser les exigences des employeurs, dont ils se font les chargés de communication, sans filtrer, ni structurer l’information qu’ils recueillent. Une phrase comme « Face à la mobilité réduite des profils recherchés et à leurs exigences élevées, elles [les entreprises] essaient d’éviter la surenchère salariale et mettent plutôt l’accent sur les avantages (CSE, RSE, conditions de travail, etc.) » extraite d’une étude de l’APEC, n’explique pas pourquoi ces entreprises parviennent à éviter les hausses de salaires et à les maintenir au-dessous de ceux de l’ensemble des fonctions de cadres, alors que ce secteur est décrit comme plus « en tension » (pour les employeurs) que les autres. Les informaticiens seraient-ils d’une autre nature ?

Dans la mesure où les activités informatiques sont désormais colonisées par de jeunes générations, on peut aussi se demander si les chargés de recrutement ne projettent pas leurs tropismes, en particulier l’habitude d’être servis rapidement, justement grâce aux technologies « numériques », sur un marché du travail qui ne répondrait pas assez rapidement à leurs exigences.

Mais l’emballement de discours très idéologiques et tournant en boucle n’est pas propre à ce domaine, ni au marché du travail.

 

3.3.2. Les enquêtes « Besoins de main d’oeuvre » de Pôle-emploi

Malheureusement, mais sans surprise pour l’auteur de cet article, les enquêtes « Besoins de main d’oeuvre » de Pôle-emploi montrent un recul des projets de recrutement entre 2021 et 2022 (avant la guerre en Ukraine):

* « ingénieurs et cadres d’étude, R&D en informatique et chefs de projet informatiques » : de 44 444 en 2021 à 40 615 en 2022

passant de la 6ème à la 10ème place des « Métiers les plus recherchés hors saisonniers »

mais c’était le 4ème métier dans la liste de ceux enregistrant la plus forte variation à la baisse entre les 2 années

● mais les employeurs étant toujours sur la défensive, la « part des recrutements jugés difficiles » n’a quasiment pas varié : de 65,6 % à 65,2 %, sachant que ces métiers ne faisaient pas partie des 15 premières « familles de métiers » où étaient « anticipées les plus fortes difficultés de recrutement » en 2021

* « ingénieurs et cadres d’administration, maintenance en informatique »: de 2680 à 1984

la « part des recrutements jugés difficiles » passant paradoxalement de 69,8 % à 72 %

* « techniciens d’étude et de développement informatique »: de 11 906 à 11 870 (CIT)

mais c’était le 15ème métier dans la liste de ceux enregistrant la plus forte variation à la baisse entre les 2 années

la « part des recrutements jugés difficiles » passant paradoxalement de 60,5 % à 66 %

* « techniciens de production, d’exploitation, d’installation, et de maintenance, support et services aux utilisateurs en informatique »: de 11 158 à 10 858

mais c’était le 10ème métier dans la liste de ceux enregistrant la plus forte variation à la baisse entre les 2 années

la « part des recrutements jugés difficiles » passant paradoxalement de 47,9 % à 59 %

Rappelons que les projets de recrutement peuvent être annulés pour de multiples raisons et que seuls les « recrutements nets » reflètent la dynamique du marché, et la différence avec les « promotions internes », les opportunités pour les nouveaux entrants (DRN).

 

(CIT) Les employeurs du « numérique » recherchent souvent des ingénieurs (écoles, éventuellement bac+5 universitaires…) pour des tâches de développement informatique alors que les « techniciens d’étude et de développement informatique » sont formés à cette fin. Cela atteste d’exigences excessives expliquant de soi-disant « pénuries ». Les « techniciens d’étude et de développement en informatique » présentent aussi l’avantage d’être plus constants dans leur rôle, en particulier d’être moins tentés par les tâches de management.

 

3.3.3. Les études et enquêtes de l’APEC

LAPEC publie chaque année une note indiquant les prévisions de recrutement par secteur et fonction, qui mentionne aussi des recrutements effectifs, en particulier :

* de « cadres informatique » – qui peuvent travailler dans de multiples secteurs et qui sont le sujet de cet article avec les informaticiens non-cadres

* dans les « activités informatique et télécommunications » – qui comptent et recrutent aussi d’autres métiers, par exemple commerciaux

On ne s’intéresse qu’aux premiers dans cet article :

* 57 900 recrutements effectifs en 2019

* 43 900 en 2020

* 59 000 en 2021

La somme de ces 2 derniers chiffres montre un ralentissement de la croissance de ces embauches, avec une moyenne de 51 450.

La comparaison du chiffre de 2021, supérieur aux seuls « ingénieurs » relevés par l’enquête « Besoins de main d’oeuvre » de Pôle-emploi, pourrait indiquer que cette dernière estimation a été dépassée ou que des « techniciens » sont embauchés comme « cadres ».

Les « créations nettes d’emploi » (ou recrutements nets) atteignent en moyenne 1/3 des recrutements effectifs, les départs pouvant compenser les recrutements, mais l’APEC ne fournit pas le chiffre des « promotions internes » (DRN).

 

Les offres d’emploi publiées sur le site apec.fr, sans être d’une fiabilité absolue (voir « 3.5.2.1. La compétition pour « les meilleurs » » ci-dessous), sont néanmoins plus impliquantes que des réponses aux enquêtes.

Une étude à partir de cette source a confirmé qu’en 2021 :

* les volumes d’offres d’emploi étaient parmi les plus élevés pour :

● le « développement informatique » (38 991 offres) , dont environ 3/4 de « développeurs informatiques »

● la « gestion de projets informatiques » (16 236) – qui n’exige pas nécessairement de compétences techniques – dont un peu plus de 2/3 de « chefs de projets informatiques »

● les « infrastructures et systèmes informatiques » (14 052), dont un peu moins de 2/3 d’ « ingénieurs et administrateurs systèmes »

● mais ces « familles de métiers » étaient placées dans un des 2 quadrants enregistrant les plus faibles croissances entre 2019 et 2021 (- de 10 %)

* tandis que figuraient parmi les croissances au-dessus de 10 % entre 2019 et 2021:

la « sécurité informatique » (+ 27 %)

les « big data » ou « données massives » (+ 13,5 %), précédée par 16 « familles de métiers » ayant de plus fortes progressions

● mais ces 2 familles étaient placées dans un des 2 quadrants enregistrant moins de 8000 offres ; or dans la mesure où il y avait 3189 offres pour les « data-métiers » en 2019, les seules offres relatives aux « big data » ne pouvaient donc dépasser 3619 en 2021 (FBD)

 

On peut d’ailleurs noter que si la catégorie « Data, BI, Big Data, Reporting, tableau de bord » figurait parmi les 5 spécialités les plus demandées sur la plate-forme Opteamis, qui met en relation des clients finaux (acheteurs, directions des systèmes d’information, donneurs d’ordres…) avec des prestataires (« ESN/SSII », indépendants…), la part de ce domaine est tombée de 36 % à 14 % entre 2017 et 2021. Plus généralement, qu’il s’agisse des « technologies », des « métiers » ou des « spécialités » de l’informatique, tous figuraient dans la partie du cadran (et non quadrant) correspondant à un « marché détendu », caractérisé par un « excédent de candidatures ».

 

(FBD) Les écoles formant aux « big data » ont tant proliféré, ayant pris acte du bon filon… comme filière de formation, qu’on peut voir des publicités les promouvant dans le métro parisien.

 

3.3.4. L’étude d’empirica, une référence…depuis 2015

Souvent citée et jamais égalée, cette étude d’empirica, à l’échelle européenne, a établi un « standard » dans les discours de tous les représentants du « numérique » en France, mais aussi dans des études d’organismes officiels, et même de ministres : « 80 000 postes » ne devaient pas être pourvus en France en 2020. 2020 est désormais passée mais la date est ignorée et le chiffre est reporté à des périodes ultérieures quand il ne sert pas de base à de nouvelles surenchères, comme on l’a vu dans le paragraphe « 3.1.3. Les organismes de formation voient leur « numérique » en rose ».

Or, cette étude souffrait de plusieurs défauts méthodologiques :

* s’appuyer sur les offres d’emploi publiées sur des sites web pour estimer les pénuries, ce qui n’a d’ailleurs pu être fait que dans cinq pays

* prolonger les tendances passées pour estimer les effectifs et la demande potentielle de travail, bien que le modèle intègre beaucoup de paramètres

* mêler des catégories professionnelles hétérogènes (CEE)

 

(CEE) Pour l’année de référence (2014), la France paraissait ainsi mal dotée en « techniciens des technologies de l’information » (« Core ICT practitioners – associate/technician level »), 97 000, notamment par rapport à l’Italie (256 000), au Royaume-uni (192 000), à l’Espagne (161 000) et à l’Allemagne (153 000). Cette catégorie représentait 17 % de l’ensemble des travailleurs du secteur des technologies de l’information de l’UE-28, mais la moitié étaient dédiés au support-utilisateur, dont on peut supposer qu’une partie exercent en centre d’appels…éventuellement délocalisés.

 

3.3.5. Une étude prospective de la DARES et France-stratégie

Cette étude prospective de mars 2022, qui s’attache à évaluer les variations d’emploi selon les secteurs et métiers pour la période 2019-2030, pêche en particulier par :

* de graves erreurs d’analyse, comme « …les services numériques (activités informatiques, télécommunications, audiovisuel…peu automatisables gagnent peu en productivité… »

* des généralités dénuées de causalité : « …le contexte d’une transformation numérique – accentuée par l’intensification du télétravail (communication collaborative, virtualisation)… »

* la méconnaissance des métiers, du « numérique » en particulier, conduisant à la négligence des « techniciens informatiques » dans les besoins en personnels informatiques, au profit des « ingénieurs informatiques » (CIT)

* des hypothèses nécessaires de croissance économique, comme toute étude prospective s’appuyant sur des modèles statistiques globaux

Selon le scénario de référence, « le déséquilibre potentiel entre les 190 000 besoins de
recrutement
[d’« ingénieurs informatiques »] (soit 75 000 départs en fin de carrière plus 115 000 créations nettes d’emploi) et le nombre de jeunes débutants (156 000) serait de 34 000 », soit un faible « taux de difficulté » de 18 %. Par conséquent, les « ingénieurs informatiques » ne font pas partie des 15 « familles de métiers » pour lesquels les déséquilibres potentiels (jeunes débutants < besoins) devraient être les plus importants en valeur absolue. Comme pour « 40 % des métiers présente[a]nt un déséquilibre partiel faible [en 2019]…À moyen terme, les capacités de formation actuelles semblent en mesure de répondre aux besoins de recrutement. ». Ils sont néanmoins classés dans un quadrant de métiers pour lesquels les « difficultés de recrutement » s’accentueraient.

Notons que, même si ces chiffres sont très aléatoires et ne prennent pas en compte les reconversions déjà nombreuses vers ces métiers, ni les chômeurs…, « 190 000 » est très éloigné du « million » clamé par certains (voir « 3.1.3. Les organismes de formation voient leur « numérique » en rose »).

 

Cette étude fait référence à une autre de la DARES et Pôle-emploi, plus précise, mais à la méthodologie contestable (MCE), qui renseigne néanmoins sur les effectifs de toutes les « familles de métiers », dont on peut tirer le tableau suivant pour les métiers informatiques, en notant que l’étude ne fournit qu’une moyenne sur la seule période 2015-2019:

EFFECTIFS 6 familles professionnelles sur 225 3 familles professionnelles sur 87
  2015-2019 2015-2019
Employés et opérateurs en informatique 39 544 39 545
Techniciens d’étude et de développement en informatique 74 390 165195
Techniciens de production, d’exploitation, d’installation, et de maintenance, support et services aux utilisateurs en informatique 90 805
Ingénieurs et cadres d’étude, recherche et développement en informatique, chefs de projets informatiques 332 851 376636
Ingénieurs et cadres d’administration, maintenance en informatique 22 535
Ingénieurs et cadres des télécommunications 21 250

 

Les « ingénieurs » représentaient plus du double des « techniciens ». Or, les sortants d’écoles d’ingénieurs sont bien moins nombreux que ceux des (encore) « innombrables » écoles d’informatique et formations universitaires, qui ne délivrent pas de diplôme d’ingénieurs. Celles-ci forment essentiellement des « développeurs/codeurs » informatiques (CIT).

Cette disparité entre le ratio des effectifs d’« ingénieurs » et « techniciens » et celui des sortants de formation constitue un autre indice que les places sont chères sur le marché, au moins pour les seconds. D’ailleurs, l’indicateur de « tension » des « techniciens d’étude et de développement en informatique » est assez stable depuis 2017 et leur « intensité d’embauche » reste faible, alors qu’ils devraient représenter ces fameux « développeurs informatiques » dont tout le monde parle.

Mais il est en fait probable qu’une partie de ceux qui sont embauchés le soient comme ingénieurs, même s’ils n’en ont pas le titre officiel, ou qu’ils aient été promus (voir aussi « 3.3.3. Les études et enquêtes de l’APEC »). Ainsi, selon une enquête à l’échelle mondiale de 2 plate-formes d’apprentissage et de recrutement de « développeurs informatiques », CodinGame et CoderPad, « Le pourcentage de recruteurs qui recrutent des développeurs sans bagage académique a presque doublé (de 23% en 2021 à 39% en 2022) ».

On peut aussi relever dans la synthèse de l’étude de la DARES et Pôle-emploi que « la baisse des tensions est marquée dans l’informatique et les télécommunications », et ceci depuis 2018, tout en étant estimée à un niveau élevé.

 

Pour sa part, Pôle-emploi faisait état pour le « secteur du numérique » (incluant donc aussi les métiers non techniques):

* de 52 116 établissements au 31/12/20 par rapport à 43 366 en 2018

* d’une chute drastique du nombre de salariés entre les 2 périodes, de 775 577 à 732 134

dont 58 % dans le « secteur informatique » en 2018, sans que l’on sache si cette désignation correspond aux métiers informatiques

S’agit-il d’un changement de méthodologie, de périmètre…, ou bien d’une chute réelle ?

 

(MCE) En particulier,

1. l’« indicateur principal de tension » est notamment construit à partir (voir aussi « 3.3.2. Les enquêtes « Besoins de main d’oeuvre » de Pôle-emploi » ci-dessus):

* du rapport entre le « flux d’offres d’emploi en ligne » et le « flux de demandeurs d’emploi inscrits à Pôle-emploi en catégorie A » [sans emploi au cours du mois]

[Or, les offres d’emploi en ligne ne s’adressent pas spécifiquement aux demandeurs d’emploi de la catégorie A, qui peuvent la quitter pour de multiples raisons : retraite, reconversion, formation]

* de la « part des projets de recrutements anticipés comme difficiles par les employeurs » (50 % de l’indicateur principal)

2. La « main d’oeuvre disponible » est estimée par le rapport entre le « nombre de demandeurs d’emploi de catégorie A recherchant un emploi dans le métier m » et le « niveau d’emploi salarié du métier m ».

[Or, pour aucune des « familles de métiers » informatiques, cet indicateur ne reflète le quasi-doublement des demandeurs d’emploi sur 10 ans (voir le paragraphe précédent) par rapport à une hausse des effectifs salariés entre 10 et 15 %.]

[Les autres catégories de demandeurs d’emploi, les sortants de formation, les indépendants…, ces deux dernières catégories étant en forte croissance, en sont absents]

 

3.3.6. L’enquête annuelle du JDN

Un média spécialisé dans le « numérique » effectue une enquête annuelle auprès des 15 Entreprises spécialisées (« ESN » et « sociétés d’Ingénierie et de conseil en technologies ») aux chiffres d’affaires les plus élevés en France, en l’occurrence en 2021 (avant la guerre en Ukraine):

* les recrutements annoncés pour 2022 étaient en hausse très nette par rapport à 2021

* les 9 entreprises qui avaient indiqué leurs prévisions de recrutement pour 2021 en ont réalisé 6 % de plus, soit 1300

Toutefois, cette enquête:

* comme la partie des enquêtes de l’APEC consacrée aux « activités informatique et télécommunications », inclut des professions qui sortent du champ de cet article : « business consultants », « commerciaux IT »...(voir « 3.5.3. Les études et enquêtes de l’APEC »)

* traduit une tendance, mais ne couvre pas tout le marché des informaticiens

* manque de perspective historique dans la restitution des résultats, d’autant plus que les prévisions pour 2021 ont peut-être été sous-estimées du fait de l’impact de la pandémie par rapport à des années antérieures

 

3.4. Des SALAIRES RAISONNABLES

Un certain nombre de marchés ne répondent pas à une simple loi d’offre et de demande. C’est justement le cas sur le marché du travail des métiers informatiques – et même peut-être du « numérique » en général. Une éventuelle hausse des salaires n’est donc pas nécessairement révélatrice de tensions car elle peut concerner des profils particuliers parallèlement à l’éviction d’autres, par exemple jugés insuffisamment expérimentés ou n’ayant pas de formation scientifique initiale (DSI), indépendamment des compétences requises pour un poste ou d’apprentissage postérieur, de même que la filière scientifique est une voie binaire de sélection traditionnelle en France.

Une des rares études, très précise, ne montre pas de salaires mirobolants entre 2019 et 2021 pour les postes informatiques (ITM). Hormis les « directeurs », « manageurs » et les « data scientists » en région, seuls les « développeurs » et « ingénieurs » parisiens « seniors » (sans définition précise de ce dernier terme) atteignaient des fourchettes de salaires supérieures au salaire moyen du 1er quartile des ingénieurs en France, soit 44 500 € bruts annuels, ce qui confirme que les professions informatiques sont moins bien payées, mais tous les informaticiens ne sont pas ingénieurs.

Une autre étude de l’APEC fournit des montants pour 2020, qui ne divergent pas. Par rapport à un salaire annuel brut médian de 50 k€ et moyen de 57 k€ pour l’ensemble des fonctions de cadres, ils atteignaient respectivement :

* 50 k€ et 56 k€ pour les « systèmes, réseaux, données »

* 50 k€ et 54 k€ pour la « maîtrise d’ouvrage et fonctionnel »

* 49 k€ et 54 k€ pour l’ « exploitation, maintenance informatique »

* 48 k€ et 52 k€ pour l’« informatique de gestion »

* 46 k€ et 50 k€ pour l’« informatique industrielle »

* 45 k€ et 49 k€ pour l« Informatique web, sites et portails Internet »

 

Au cas où une hausse des salaires d’informaticiens serait constatée en 2022, il serait très difficile de l’imputer à une dynamique de l’emploi propre aux activités « numériques » en raison de la pression à la hausse dans de nombreux secteurs d’activité.

Mais une note du « Conseil d’analyse économique » (CAE) montre déjà que cette pression est très hétérogène selon les secteurs et en particulier que le taux de croissance de la masse salariale du secteur informatique a régressé entre 2017-2019 et 2019-2021, sachant que cette maille est trop large par rapport aux différents métiers informatiques.

 

(ITM) En complément, cet échantillon de glassDoor n’a pas de valeur représentative, mais il montre simplement que l’on peut trouver des informaticiens à tarifs modérés.

 

3.5. Des PROBLEMES d’APPARIEMENT PONCTUELS et CIBLES

3.5.1. Un foisonnement d’outils impliquant des spécialisations

Il peut y avoir des problèmes d’appariement de l’offre et de la demande de travail sur le marché du travail informatique. Mais, comme souvent, au-delà de ce domaine, ils sont provisoires (PRP), car l’offre de travail s’adapte, particulièrement dans ce domaine, où les professionnels sont entraînés à se former en permanence et surtout à jouer avec de multiples outils. La prolifération des formations en témoigne, même si beaucoup d’entre elles visent de nouveaux publics pour des raisons plus sociétales qu’économiques (PVE). Mais il y a aussi une forte persistance technologique, souvent éludée. Par exemple, les langages informatiques les plus utilisés, qui évoluent néanmoins, ont pour la plupart été créés il y a plusieurs décennies.

Des pénuries de personnels peuvent cependant apparaître lorsqu’une technologie se diffuse soudainement, mais la multiplication des projets recourant à l’« IA » montre par exemple que la phase d’assimilation de cette « rupture » a été une des plus rapides de l’histoire des technologies informatiques car elle pouvait s’appuyer sur des infrastructures existantes ou complémentaires de celles existantes. Cela ne constituait pas un grand décalage pour les informaticiens, ni pour les statisticiens, de plus en plus formés au codage dans leurs écoles, ni même d’ailleurs pour les utilisateurs d’outils d’informatique décisionnelle (mercateurs, commerciaux…). L’extension des interfaces graphiques (« sans code »…) accélère encore le mouvement. Les jeunes diplômés sont aussi formés aux dernières technologies « numériques », d’ailleurs introduites de plus en plus tôt dans les cursus scolaires.

Par contre, la variété des technologies « numériques » crée des difficultés pour ceux qui ne sont pas en emploi car ils doivent eux-mêmes choisir des technologies porteuses parmi diverses options, avec le risque de se tromper sur leur pérennité, de se cantonner dans des marchés étroits ou de s’engager dans des impasses, par exemple pour des problèmes de compatibilité.

Indépendamment de l’essaimage à partir des laboratoires de recherche, l’adoption précoce de technologies émergentes par les organisations a aussi un coût, qui peut ensuite drastiquement chuter, mais les études sur les « adopteurs précoces » et leurs gains manquent de rigueur. On a justement pu constater une très grande prudence de la part des organisations en France au milieu des années 2010 vis à vis de jeunes diplômés de grandes écoles statistiques en particulier, mais aussi de transfuges plus expérimentés s’étant eux-mêmes formés, ne parvenant pas pour autant à trouver de poste pour exploiter des données massives ..,, juste avant que l’acronyme « IA » ne convainque les employeurs (voir aussi « 3.3.3. Les études et enquêtes de l’APEC » ci-dessus).

Malgré ce déclic, même G. Rozier, le célèbre créateur de « CovidTracker », confessait avoir « galéré pour avoir un stage ! » à la sortie de son école, pourtant prestigieuse, avant le début de l’épidémie. Beaucoup d’entreprises reconnaissent en effet depuis 2 ou 3 ans qu’elles croulent sous les candidatures de diplômés en « data science » et certaines reçoivent un millier de candidatures pour un seul poste. Prétendre que ces métiers souffrent de pénuries, comme le font une partie des employeurs et les élites, soulève alors des interrogations sur leur cohérence intellectuelle ou leur connaissance du marché du travail.

 

(PRP) Les recruteurs du « numérique », en particulier d’informaticiens, sont d’ailleurs bien obligés d’admettre qu’ils parviennent systématiquement à pourvoir leurs offres d’emploi, même si cela prend parfois un peu plus de temps que prévu. L’exercice de rhétorique est même parfois comico-mécanique quand ils commencent par dire de manière pavlovienne que « le secteur est en tension »…, comme un passage obligé.

(PVE) De plus en plus de recruteurs mentionnent aussi un critère de « valeurs partagées », attestant qu’ils ont surtout besoin de départager des candidats dont le niveau technique est satisfaisant, selon des critères très subjectifs, qui rejoignent d’ailleurs souvent des critères sociétaux biaisés.

 

3.5.2. Une « guerre des talents » surplombée par la compétition entre les « firmes nativement numériques »

En plus des organisations « classiques » ayant précédé la génération par les technologies « numériques », – eh oui, cela a existé – particulièrement concernées par le transfert de leurs services informatiques vers le « cloud », on peut chercher à mieux cerner les besoins en personnels informatiques de deux autres catégories d’acteurs (parfois en recoupement):

* les éditeurs et fournisseurs de produits et services « numériques » pour le grand-public, dont ceux qui se substituent aux organisations « classiques » (commerce électronique, banques en ligne…) ou servent de nouveaux marchés (recherche en ligne, jeux vidéo…)

* les éditeurs et prestataires de produits et services « numériques » professionnels, qui les délivrent aux 2 catégories précitées, par exemple les fournisseurs de services « cloud » aux organisations, sociétés de conseil, éditeurs de logiciels professionnels…, que l’on subsume dans cet article sous l’expression « entreprises de services numériques » (« ESN »), donc un périmètre au-delà des anciennes « SSII »…

 

3.5.2.1. La compétition pour « les meilleurs »

Il est difficile d’analyser les comportements de recrutement des éditeurs et fournisseurs de produits et services « numériques » grand-public, mais celui des « ESN » qui opèrent sur des marchés professionnels, est mieux connu. Elles subissent en effet une très forte intensité concurrentielle et dépendent de l’environnement économique global, mais éventuellement de manière contra-cyclique et avec des « fortunes » variables. Ce sont néanmoins celles qui sont les plus concernées par une éventuelle « guerre des talents » ayant des compétences informatiques, d’autant qu’elles ne sont pas en haut de la chaîne de sous-traitance comme les organisations « classiques ».

Elles doivent donc attirer ceux qu’elles appellent « les meilleurs » (ARP) pour affirmer leur position sur leur marché, mais elles doivent aussi pouvoir les puiser dans un vivier d’offreurs de travail disponibles pour faire baisser les coûts de leurs services, avec éventuellement des disparités (voir « 3.1.3. Les organismes de formation voient leur « numérique » en rose »). Il n’en résulte donc pas nécessairement un accroissement du marché du « numérique », mais une rivalité pour se disputer des profils dont elles estiment avoir besoin. Certes leurs innovations contribuent aussi à faire grandir ce marché, mais la part importante d’innovations de productivité n’induit pas un besoin proportionnel de personnels techniques spécialisés (voir « 2.4. Des facteurs propices à la compression des personnels informatiques »).

Une de leurs pratiques illustrent particulièrement le décalage entre leurs « besoins déclarés » et la réalité des embauches : selon une étude de l’APEC de 2018, « …lorsque plusieurs entreprises sont mises en concurrence pour une même mission lors d’appels d’offres, toutes diffusent des offres d’emploi qui concernent la même mission, mais in fine, seule une entreprise sera retenue. De plus, ces entreprises diffusent en continu des offres dans l’objectif de constituer un vivier de candidats, sans nécessairement avoir un poste à pourvoir à l’instant T. ». Or, certains appels d’offres peuvent solliciter des dizaines, voire plus d’une centaine de candidats (entreprises).

A noter aussi la pratique trompeuse de laisser des postes ouverts après recrutement pour continuer à engranger des candidatures.

Globalement, les « difficultés de recrutement » proviennent avant tout des exigences élevées des recruteurs du « numérique » (CIT, PRP), qui les relèvent d’ailleurs au fur et à mesure de la hausse de l’offre de travail, ce qui leur permet de continuer à déplorer des pénuries de personnels.

 

(ARP) Le simple emploi du substantif mélioratif suggère que la soi-disant pénurie n’est pas d’ordre quantitatif et procède d’une forte sélection.

 

3.5.2.2. Les taux de rotation augmentent les personnels spécialisés dans le « numérique »

Le modèle économique et organisationnel de celles des « ESN » qui sont issues des « SSII » (hors édition de logiciels) suscite des taux de rotation élevés, notamment celles qui pourvoient aux besoins d’autres organisations en ressources humaines, louées pour une certaine durée. Ces taux auraient beaucoup cru récemment. Mais d’une part, ces « ESN » parviennent à remplacer les partants. D’autre part, ceux-ci n’abandonnent pas leurs activités dans ce domaine, mais les poursuivent dans d’autres conditions, en particulier comme indépendants. Il en résulte une augmentation des personnels spécialisés.

Le raccourcissement de la durée des projets lié à la maturité des technologies et par conséquent des personnels contribue aussi à une plus grande disponibilité.

Plus globalement, comment la multitude des applications qui ont été développées ces dernières années auraient-elles pu voir le jour si une offre de travail correspondante n’avait pas été très rapidement mobilisable ???

3.5.3. Des « difficultés de recrutement » surtout liées à la préférence pour les « jeunes » (PDJ)

Un autre aspect peut aussi expliquer « les difficultés de recrutement », qui sourd d’une déclaration souvent entendue : « On recherche tous les mêmes profils ». Les exigences des employeurs du « numérique » ne s’appliquent pas seulement au niveau individuel, mais sont aussi discriminantes vis à vis de groupes d’individus, ne correspondant pas à leurs cibles, qui sont les jeunes diplômés, surtout de filières scientifiques, et les jeunes professionnels qu’ils appellent « seniors », mais dont l’âge correspond aux petits-enfants des « seniors » dans la société. Les jeunes professionnels se distinguent des jeunes diplômés par quelques années d’expérience en plus et ils sont aussi les cadres les plus recherchés par les employeurs tous secteurs confondus selon l’APEC:

* débutants de moins d’1 an d’expérience : 17 % en 2019, 15 % en 2020, 16 % en 2021

* de 1 à 5 ans d’expérience : 31 % en 2019, 33 % en 2020, 32,4 % en 2021

* de plus de 20 d’expérience : 6 % en 2019, 5,5 % en 2020, 5 % en 2021

Selon l’INSEE, dans l’édition de logiciels, représentant 7,7 % des salariés du domaine « Information-communication », 83 % avaient moins de 50 ans en 2018, par rapport à 78 % pour l’« Information-communication » (RJD).

Les établissements composant la « Grande école du numérique » précitée (voir « 3.1.2. Difficile évaluation du nombre de diplômés en informatique ») n’accueillaient pour leur part que 3,6 % d’apprenants de 50 et plus en 2020.

Il s’agit de préserver un entre-soi générationnel dans un « secteur » sectaire.

La tromperie sur les pénuries de main d’oeuvre est aussi entretenue par une règle implicite, propre au domaine du « numérique » d’une « obsolescence programmée », non pas seulement des compétences, mais des individus, et par des modes d’organisation entropiques, fondés sur la rotation de main d’oeuvre, mais qui se distingue des taux de rotation des jeunes diplômés que les éditeurs et fournisseurs de produits et services « numériques » aimeraient garder (voir sous-paragraphe précédent).

Les « Inspections générales » de plusieurs ministères avaient d’ailleurs aussi constaté ce phénomène de « croisement générationnel » dans un rapport de 2015 : « Ces spécificités, conjuguées au fait que les ESN sont à l’origine d’une très large part des offres d’emploi, conditionnent le sentiment de pénurie et structurent fortement la carte d’identité de la candidate ou du candidat à l’embauche idéal : jeune, spécialisé.e et expérimenté.e. Elles expliquent aussi vraisemblablement le paradoxe de l’accroissement du chômage des informaticiens depuis la crise de 2008-2009. L’augmentation du chômage est particulièrement constante pour les demandeurs d’emploi de plus de 50 ans. ».

 

La majorité politique de 05/2017 à 04/2022 a d’ailleurs renforcé ce phénomène, par exemple avec l’ « Aide exceptionnelle aux employeurs de salariés en contrat de professionnalisation », de 8 000 euros jusqu’à 29 ans révolus. Les formations sont aussi destinées aux jeunes en priorité et quand un politicien parle de « numérique », c’est forcément « pour offrir à nos jeunes des débouchés professionnels », comme si cette voie leur était réservée, comme si le « numérique » venait de surgir avec la promesse d’un inextinguible eldorado (CSJ). Or, Bill Gates, 67 ans, est retraité (de l’informatique), Tim Berners-Lee a le même âge que lui et l’on déplore le décès de Steve Jobs, aussi du même âge, tandis que les noms des inventeurs de l’UMTS ne sont pas passés à la postérité, bien qu’il soit très pratique de consulter des images sur son « téléphone ».

 

(PDJ) La période contemporaine avec la pandémie et la guerre en Ukraine est certes difficile pour les jeunes, mais le processus de discrimination des « plus de 50 ans » dans les activités « numériques » est à l’oeuvre depuis longtemps.

(RJD) Jusqu’à 80 % de recrutements de jeunes diplômés dans une société de conseil en « numérique », 75 % de recrues de moins de 2 ans d’expérience recherchées par Sopra Steria en 2022, 60 % par Atos, 50 % par Cap Gemini (et seulement 15 % de 45 ans ou plus dans ses effectifs en 2020)5/12 des entreprises citées dans l’enquête annuelle du JDN précitée prévoyaient au moins 40 % de recrues de ce niveau d’expérience. Or, cette ségrégation ne suscite aucune indignation.

(CSJ) On se demande d’ailleurs si les élites savent que le nombre de demandeurs d’emploi (tous secteurs confondus) de plus de 50 ans est le double de celui des moins de 25 ans, par exemple respectivement 884 000 et 405 000 en catégorie A au 4ème trimestre 2021.

 

3.5.4. Hiatus au sein du secteur public

D’un côté, le gouvernement (05/2017-04/2022) s’est félicité de l’accélération de la « transformation numérique » de l’État (indépendamment des collectivités locales, même si des progrès restent évidemment à accomplir. De l’autre, il a renchéri sur l’alarmisme vis à vis du manque de compétences, en l’occurrence pour recruter des informaticiens au sein de l‘Etat.

Or, les craintes sur l’attractivité du secteur public vis à vis des informaticiens semblent très exagérées : « À fin 2018, le corps des ISIC [ingénieurs des systèmes d’information et de communication] comptait ainsi 673 ingénieurs, chiffre en croissance de 43 % depuis 2012 et 35 % depuis 2016, croissance expliquée avant tout par l’augmentation des effectifs des ingénieurs de moins de 30 ans (qui ont triplé entre 2012 et 2018, et plus que doublé entre 2016 et 2018). », « …de nombreux profils techniques sont volontaires pour contribuer au secteur public…. » (« Pour une politique publique de la donnée »).

A un niveau plus anecdotique, mais assez révélateur, l’ancien directeur de la « Direction interministérielle du numérique » (DINUM) a même été accusé de mettre fin hâtivement aux contrats de personnels qui n’avaient pas démérité.

Toutefois, l’enjeu est en l’occurrence pour l’État de définir la répartition entre ses propres ressources et celles des cabinets de conseil en particulier, comme l’explique un rapport du Sénat, critiquant un recours excessif à ces derniers, notamment pour de l’assistance à des projets informatiques : 646,4 M€, soit 72 % des dépenses de conseil en 2021, par rapport à 279,4 M€ en 2018. Mais l’ensemble des prestations intellectuelles informatiques achetées par les ministères s’élevait à 830 M€ en 2018, selon la Cour des comptes.

Le rapport du Sénat ayant eu un écho important en pleine campagne électorale, certains « experts » et économistes sont intervenus dans les médias pour défendre le recours aux cabinets de conseil, censés compenser les carences de l’État, révélant ainsi leur ignorance de ces problématiques. En effet, d’une part les cabinets de conseil ont tenu un rôle décisif dans les projets informatiques de l’État qui ont échoué, d’autre part, des règles ont été énoncées en 2013 pour renforcer au contraire les compétences internes, afin de prévenir les dérives: « …disposer d’au moins une ressource interne de maîtrise d’ouvrage pour une ressource externe fournie en prestation de service, et d’au moins une ressource interne de maîtrise d’œuvre pour trois ressources externes fournies en prestation de service ».

Mais on peut supposer que l’externalisation s’est progressivement imposée pour les grands projets à la fois :

* comme choix idéologique, conformément à l’avis des « experts » et économistes évoqués, et par facilité

* face à des difficultés de recrutement propres à l’État (grilles de salaires rigides, perception des projets comme de lourdes machines technico-administratives, innovation insuffisante, manque de communication…), plutôt qu’en raison de soi-disant « tensions » sur le marché du travail

En ce qui concerne plus précisément les « experts de la donnée », un rapport conjoint de l’INSEE et de la « direction interministérielle du numérique » (DINUM) avait évalué à 400 les besoins de recrutement entre 2021 et 2023. L’État étant particulièrement « redevable » en matière de publication des données, il faudra donc attendre un bilan de cette projection au début 2024, bien qu’il semble que le rapport lui-même n’ait pas été rendu public.

 

3.6. SERAIT-IL POSSIBLE de REDUIRE les DELOCALISATIONS dans d’AUTRES PAYS ?

On a déjà évoqué dans le paragraphe « 2.2. Une souveraineté « numérique » est-elle encore possible ? » le cosmopolitisme des équipes informatiques. Il est difficile de trouver des données à cet égard. Les pays où est délocalisée une partie de la main d’oeuvre informatique ne peuvent être strictement assimilés à des pays bas coûts, même si elle y est moins chère. Mais la part de chiffre d’affaires des entreprises qui y délocalisent leurs services informatiques y est faible par rapport à celle de leurs personnels.

On peut prendre l’exemple des 3 principales « ESN » issues de « SSII », dont le siège social est en France, qui ont entrepris la délocalisation de leurs services depuis plusieurs décennies, avec les effectifs suivants en 2020 (EPI):

* Cap Gemini : 33 358 en France sur 251 525 (effectif moyen total sur l’année), soit 13 % pour 22 % du chiffre d’affaires (CA)

mais plus de 45 % des effectifs en Inde, alors que le CA pour l’ensemble « Asie-Pacifique-Amérique latine » ne représentait que 7 % du total

* Atos : 10,6 % de l’effectif en France sur 102 708 au total pour 15 % du CA

mais près de la moitié des effectifs dans les « marchés de croissance » (hors Europe et Amérique du Nord) pour un CA de 7 % du total

« en 2021, le Groupe a recruté 25 886 collaborateurs, principalement dans les pays offshore/nearshore comme l’Inde, la Pologne et la Roumanie »

* Sopra Steria : 19 799 en France sur 45 960 au total, soit 43 % pour 48 % du CA

mais 17 % en « X-shore » (Inde, Pologne, Espagne et Afrique du Nord) tandis que le CA pour le « Reste du monde », dans lequel ces pays sont inclus, était de 2 %

La formation en masse de personnels techniques du « numérique » en France serait justifiée sous l’angle de leur absorption par le marché du travail si était poursuivie une stratégie de relocalisation en France, sans immigration. Mais il est douteux que cela entre dans les plans des entreprises, d’autant qu’il est peu probable que la très vive concurrence des personnels permette pour autant d’atteindre des rémunérations équivalentes à celles des pays à bas coûts. Malgré « Des facteurs propices à la compression des personnels informatiques » et le pullulement des formations, qui devraient inexorablement peser sur les rémunérations des « développeurs informatiques » en particulier, on a aussi vu dans les paragraphes précédents que la sélection obéit à des critères de hiérarchisation qui préviennent le jeu de mécanismes théoriques d’offre et de demande aplanissant les rémunérations.

 

(EPI) Leurs effectifs ne sont pas seulement composés d’informaticiens. Par ailleurs, les bases de comparaison ne sont pas exactement semblables d’après les rapports annuels. Par exemple Atos indique accessoirement un CA pour la France, mais dans les comptes, elle est fondue dans un ensemble « Europe du Sud ».


REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

INTRODUCTION

## « Pour une politique publique de la donnée », Mission Bothorel, confiée par le Premier ministre, 12/2020

I. La GLORIFICATION du « NUMERIQUE »

1.1. Des BULLES de COMMUNICATION

1.2. …RECURRENTES et ARROGANTES

## « The Digital Competence Framework for Citizens », Commission européenne, 2017

## « REF présidentielle 2022 » MEDEF, 21/02/22

1.3. La MANIPULATION par CERTAINS MEDIAS

II. PERSPECTIVES TECHNOLOGIQUES, COMMERCIALES et JURIDIQUES

2.1. Un SENTIMENT d’EFFERVESCENCE qui RESTE à VALIDER

## « Bilan 2021 et perspectives 2022 du secteur numérique », Numeum (syndicat professionnel de l’écosystème numérique en France), 7/12/21

## « Les investissements IT en berne en attendant la reprise de 2021 », Teknowlogy group, 09/2020

## « Les entreprises zombies, grandes gagnantes de l’épidémie », Les Echos, 19/11/20

## « Stratégie nationale pour le cloud », gouvernement.fr, 2/11/21

## « Chiffres clés – e-commerce 2021 », Fédération e-commerce et vente à distance, 07/2021

## « Baromètre EY du capital risque en France », EY, 1er semestre 2021

## « Décisions de politique monétaire », Banque centrale européenne, 10/03/22

## « Déclaration de M. Emmanuel Macron, Président de la République, sur une politique économique en faveur de la création d’entreprise et de l’innovation, à Paris le 15 juin 2017 »

## « Les big tech vont s’effondrer en bourse et la FED ne fera rien », journaldunet.com, 15/12/21

## « Qui possède vraiment les licornes françaises du retail ? », journaldunet.com, 15/04/22

## « La bulle de la tech explosera-t-elle cette année ? », Alternatives économiques, 2/03/22

2.2. Une « SOUVERAINETE » « NUMERIQUE » EST-ELLE ENCORE POSSIBLE ?

## « The impact of ICTs and digitalization on productivity and labor share: Evidence from French firms », Gilbert Cette, Sandra Nevoux & Loriane Py, Banque de France, 11/2020

2.2.1. Initiatives réglementaires susceptibles d’impacter le marché du travail du « numérique »

## https://www.apple.com/fr/job-creation/, 2018

## https://news.microsoft.com/fr-fr/features/microsoft-en-chiffres/, 2/01/18

## « Digital markets act », Parlement européen, 02/2022

## « Règlement 2022/868 du 30/05/22 sur la gouvernance des données », Parlement et Conseil de l’UE

## « Data act », Commission européenne, 23/02/22

## « Règlement du Parlement européen et du conseil établissant des règles harmonisées concernant l’intelligence artificielle », Commission européenne, 21/04/21

## « Règlement général sur la protection des données », Wikipedia/Règlement du Parlement européen et du Conseil, 27/04/16

## « La Cour invalide la décision 2016/1250 relative à l’adéquation de la protection assurée par le bouclier de protection des données UE-États-Unis », Cour de justice de l’Union européenne, 16/07/20

## « Cloud Act », Wikipedia/Congrès des Etats-unis, 2018

## « Le Cloud pour les administrations », numerique.gouv.fr, 17/05/21

## « Prestataires de services d’informatique en nuage (SecNumCloud) – référentiel d’exigences », Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, 8/03/22

## « Le gouvernement réoriente sa stratégie sur le cloud de confiance », lemondeinformatique.fr, 17/05/21

## « European Cloud Providers Double in Size but Lose Market Share », Synergy research group, 21.09/21

## « Intensification des négociations sur la protection des flux de données transatlantiques: communiqué de presse », Commission européenne, 25/03/22

## « Les données au service de la souveraineté européenne », la Vi//a.numeris, automne 2021

## « Cloud de confiance : Capgemini et Orange se lancent dans la mêlée », zdnet.fr, 28/05/21

## « Souveraineté ? Thales s’allie avec Google pour lancer un cloud de confiance en France », latribune.fr, 6/10/21

2.2.2. Financement et coordination de projets relatifs au « cloud »

## « GAIA-X », Wikipedia, 03/2022

## « La France et 11 Etats membres européens injectent près de 7 milliards d’euros dans le cloud », usine-digitale.fr, 8/02/22

## « Stratégie nationale pour le cloud », gouvernement.fr, 2/11/21

## « Création d’une initiative européenne pour les communs numériques », diplomatie.gouv.fr, 7/02/22

2.2.3. Financement et coordination de projets relatifs à l’« IA »

## « Nouvelle phase de la stratégie nationale d’intelligence artificielle: le Gouvernement fait le pari des talents », gouvernement, 8/11/21

## « Intelligence artificielle », Office européen des brevets, 4/11/21

2.2.4. Au bénéfice de qui ?

## « « C’est le moment pour faire de l’Europe le premier territoire technologique mondial », selon Cédric O », usine-digitale.fr, 10/01/22

## « L’emploi dans les start-up françaises », Ministère de l’économie, des finances et de la relance, France stratégie, octobre 2021

## « Les titres de séjour », Ministère de l’intérieur, 20/01/22

## « Dématérialisation des services publics : trois ans après, où en est-on ? », defenseurdesdroits.fr, 02/2022

2.3. Des CHAMPS d’INNOVATIONS « ADDITIVES » ou « SOUSTRACTIVES » ?

2.3.1. Les technologies incrémentales à diffusion massive

## « Métavers : comment Mark Zuckerberg compte gagner des milliards de dollars », futura-sciences.com, 18/01/22

## « Comment Meta va mettre en scène le métavers grâce à l’IA », journaldunet.com, 1/03/22

## « Machine-to-Machine : le marché décolle enfin », zdnet.fr, 15/01/14

## « Marché de l’IoT en France : tous les chiffres », journaldunet.com, 4/02/22

## « Plateforme de développement low-code/no-code (plateforme LCNC) », lemagit.fr, 07/2020

2.3.2. Les technologies incrémentales à finalité prioritairement productive

## « Les entreprises en France », INSEE, 1/12/21

## « Executive Summary World Robotics 2021 Industrial Robots », International federation of robotics (IFR), 28/10/21

## « Robot Density nearly Doubled globally » International federation of robotics (IFR), 14/12/21

## « Top 5 Robot Trends 2022 », International federation of robotics (IFR), 16/02/22

2.3.3. Les technologies de rupture susceptibles d’impacter l’emploi informatique

## « Insight into smart urban mobility », Office européen des brevets, 5/04/22

## « Stratégie nationale de la mobilité routière automatisée 2020-2022 », gouvernement français, 12/2020

## « La Stratégie quantique française – Compte rendu de l’audition publique du 21 octobre 2021 et de la présentation des conclusions du 20 janvier 2022  », Assemblée nationale et Sénat

2.4. Des FACTEURS PROPICES à la COMPRESSION des PERSONNELS INFORMATIQUES

2.4.2. Les facteurs liées aux infrastructures

## « Top Strategic Technology Trends for 2022 », Gartner

## « La France et la cybersécurité », diplomatie.gouv.fr, 01/2022

## « FIC 2021 : Guillaume Poupard optimiste », linformaticien.com, 8/09/21

## « France Relance Volet cybersécurité FAQ ANSSI (21/04/2021) », Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information

2.4.3. De probables fusions et acquisitions

## « Gartner Says Global Tech Provider M&A Activity Will Surpass 2018 Highs by 2022 », Gartner, 24/05/21

## « Malt acquiert Comatch, plateforme allemande de consultants indépendants », Les Echos, 28/03/22

## « Panorama des nouveaux acteurs de paiement », Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, 15/03/22

## « Génération Deeptech : le futur de l’innovation », bpifrance, 15/03/21

III. TENDANCES de l’OFFRE et de la DEMANDE de TRAVAIL dans le « NUMERIQUE »

3.1. Des FORMATIONS en TRES FORTECROISSANCE

3.1.1. Formations recensées par Pôle-emploi

## « Trouver votre formation ! », candidat.pole-emploi.fr, 03/2022

3.1.2. Difficile évaluation du nombre de diplômés en informatique

## « Repères et références statistiques 2021 – 7.21 Les diplômes universitaires de technologie », education.gouv.fr, 2021

## « Les étudiants inscrits dans les universités françaises en 2020-2021 », Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, 11/2021

## « Progression sensible du nombre d’étudiants en cycle ingénieur en 2020-2021 », Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, 06/2021

## « Les étudiants en formation d’ingénieur », Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, 07/2016

## « Is Biden Up to the Good Jobs Challenge ? », Daron Acemoglu, project-syndicate.org, 6/01/21

## « 5 enjeux pour l’emploi cadre en 2022 », Association pour l’emploi des cadres (APEC), 02/2022

## « Masters in Data Science and Big Data », mastersportal.com, 03/2022

## « Grande école du numérique – chiffres clés 2020 »

3.2. DOUBLEMENT des DEMANDEURS d’EMPLOI en 10 ANS

## « Les demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi », Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère du Travail, 01/2022

## « Chiffres clés : le chômage des informaticiens », zdnet.fr, 17/12/18

3.3. Des « DIFFICULTES de RECRUTEMENT »… DIFFICILES à EVALUER

3.3.1. Seul le point de vue des employeurs est pris en compte

## « Les métiers de la data », Association pour l’emploi des cadres (APEC), 10/2020

3.3.2. Les enquêtes « Besoins de main d’eouvre » de Pôle-emploi

## « Enquête Besoins en Main-d’Œuvre 2021 », Pôle-emploi, 2021

## « Besoins en main d’oeuvre 2022 », Pôle-emploi, 4/05/22

3.3.3. Les études et enquêtes de l’APEC

## « Prévisions Apec 2021 Un redémarrage progressif des recrutements de cadres », Association pour l’emploi des cadres (APEC), 05/2021

## « 2021, des recrutements de cadres proches du niveau record d’avant-crise », Association pour l’emploi des cadres (APEC), 5/04/2022

## « Les métiers cadres porteurs en 2022 », Association pour l’emploi des cadres (APEC), 02/2022

## « Acheteurs, Prestataires : Où en est le marché des achats IT au quatrième trimestre 2021 ? », Opteamis, 01/2022

3.3.4. L’étude d’empirica, une référence…depuis 2015

## « e-Skills & Digital Leadership Skills Labour Market in Europe 2015 – 2020 », empirica, 1/01/16

3.3.5. Une étude prospective de la DARES et « France stratégie »

## « Les métiers en 2030 », DARES et France stratégie, 03/2022

## « Les tensions sur le marché du travail en 2020 », DARES, 30/11/21

## « Tech hiring survey 2022 », CodinGame & CoderPad, 12/2021

## « Les métiers du numérique – Quelles opportunités d’emploi ? » Pôle-emploi, 23/01/20

## « Les métiers du numérique – Quelles opportunités d’emploi ? » Pôle-emploi, 28/01/22

3.3.6. L’enquête annuelle du JDN

## « En 2022, les ESN recrutent autant, voire plus qu’en 2021 », journaldunet.com, 21/02/22

3.4. Des SALAIRES RAISONNABLES

## « Salaires informatique : le baromètre des rémunérations 2021 », silkhom !com, 31/05/21

## « Salaires informatique », glassdoor, 03/2022

## « Synthèse des résultats de l’édition 2021 », Société des ingénieurs et scientifiques de France (IESF), 22/06/21

## « Les salaires des cadres dans 43 fonctions – Édition 2021 », Association pour l’emploi des cadres (APEC), 09/2021

3.5. Des PROBLEMES d’APPARIEMENT PONCTUELS et CIBLES

3.5.1. Un foisonnement d’outils impliquant des spécialisations

## « L’utilisation du numérique à l’école », Ministère de l’éducation nationale, 09/2020

## « Guillaume Rozier, M. CovidTracker, le data scientist le plus médiatisé du moment », Les Echos, 5/01/21

3.5.2. Une « guerre des talents » surplombée par la compétition entre les « firmes nativement numériques »

3.5.2.1. La compétition pour « les meilleurs »

## « Les métiers et compétences recherchés dans le cloud, le big data, la cybersécurité », Association pour l’emploi des cadres (APEC), 07/2018

3.5.3. Des « difficultés de recrutement » surtout liées à la préférence pour les « jeunes »

## « Prévisions Apec 2021 Un redémarrage progressif des recrutements de cadres », Association pour l’emploi des cadres (APEC), 05/2021

## « L’édition de logiciels : un secteur très dynamique, en croissance en 2020 malgré la crise sanitaire », INSEE, 23/03/21

## « Capgemini – « Document d’enregistrement universel », 26/03/21

## « En 2022, les ESN recrutent autant, voire plus qu’en 2021 », journaldunet.com, 21/02/22

## « Grande école du numérique – chiffres clés 2020 »

## « Les besoins et l’offre de formation aux métiers du numérique », IGAS, IGEN, IGAENR, Conseil générale de l’économie, 10/2015

## « Aide exceptionnelle aux employeurs de salariés en contrat de professionnalisation », Ministère du travail, 25/08/20

## « Séries mensuelles nationales sur les demandes d’emploi – données CVS-CJO – 4ème trimestre 2021 », DARES – Pole-emploi

3.5.4. Hiatus au sein du secteur public

## « Le Gouvernement accélère la numérisation des 250 démarches essentielles à la vie des Français », Ministère de la transformation et de la fonction publiques, 6/09/21

## « Pour attirer les talents du numérique, l’État lance metiers.numerique.gouv.fr », numerique.gouv.fr, 17/12/21

## « Pour une politique publique de la donnée », Mission Bothorel, confiée par le Premier ministre, 12/2020

## « Changement de tête à la direction interministérielle du numérique, sur fond d’accusations de management brutal », Le Monde, 8/12/21

## « Un phénomène tentaculaire : l’influence croissante des cabinets de conseil sur les politiques publiques », Sénat, 16/03/22

## « La conduite des grands projets numériques de l’Etat », Cour des comptes, 07/2020

## « Publication du rapport DINUM-Insee : 12 recommandations pour dynamiser la gestion et la valorisation des compétences data », Etalab, 27/09/21

3.6. SERAIT-IL POSSIBLE de REDUIRE les DELOCALISATIONS dans d’AUTRES PAYS ?

## « Capgemini – Document d’enregistrement universel », 26/03/21

## « AtosDocument d’enregistrement universel », 7/04/21

## «Sopra SteriaDocument d’enregistrement universel », 18/03/21

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