Brefs commentaires sur l’avenir du travail

Brefs commentaires sur l’avenir du travail

Ces brefs commentaires concernent l’éditorial du 14/09/22 de Natacha Polony dans « Marianne », « Un programme de gauche consiste à rendre leur dignité aux travailleurs« .

Certes, « Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune » [article 1er de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen], mais si j’ai toujours soutenu que les métiers « pénibles » et « utiles » devaient être très bien rémunérés, la réconciliation de l’ « utilité collective » avec l’ « émancipation » semble très difficile dans un grand nombre de cas. Il suffit de penser à certaines étapes industrielles de la transformation de la viande de boucherie et à toutes les professions pour lesquelles les candidats manquent ou requièrent des contreparties substantielles.

On ne peut d’ailleurs pas reprocher au président de la République de ne pas tenir un discours d’ « émancipation » (« startup nation », mesures en faveur des indépendants…), et moins encore à Mme Pénicaud en son temps : « …il y a aussi beaucoup de gens, ils n’ont pas envie de faire le même métier toute leur vie, ils vont pouvoir se reconvertir, pas forcément parce qu’ils sont obligés, le dos au mur, parce que leur métier change ou disparaît, mais parce qu’ils ont envie de faire autre chose, et que moi je crois profondément que quand on fait un travail qu’on aime, parce qu’on l’a choisi, parce que c’est passionnant, eh bien d’abord le travail a encore plus de qualités, mais ça fait du sens. ».

Mais ces discours masquent des mesures de plus en plus coercitives vis à vis de ceux susceptibles d’accomplir des tâches à l’inverse de l’ « émancipation » : réformes de l’assurance-chômage durcissant les conditions d’indemnisation, projets d’activité obligatoire des allocataires du RSA (voir « Réforme des aides sociales en France – 2ème partie ‘2022) ») Une forme de dualisme du marché du travail et de la société devrait s’aggraver, de même que les frustrations d’une partie des travailleurs. On comprend d’ailleurs assez mal ce que M. Roussel a en tête, en opposant « gauche des allocs » et « gauche du travail », sinon le souhait de toucher au coeur les électeurs de droite et d’extrême-droite.

Une autre forme de dualisme se niche dans l’informatisation et la robotisation, à la fois vecteurs d’émancipation vis à vis du travail pour les humains en général – donc indépendamment des effets sociétaux, en particulier de la prise en charge des affaires humaines – et d’exclusion du travail, même si le vieil argument de l’enrichissement des tâches est toujours brandi par les promoteurs de ces technologies. Or, la phase de transition susceptible de mener à l’engagement des humains dans des activités émancipatrices, détachées de la production des biens et services susceptible d’être mieux opérée par des « robots », donc le travail sans la contrainte, et dans des conditions économiques satisfaisantes, en particulier de rémunération, risque de prendre beaucoup de temps.

Pour autant, la « dépendance au système » en sera considérablement accrue et il ne s’agira plus pour les humains de produire pour les besoins vitaux collectifs, tout au moins les personnels nécessaires à cette fin seront-ils beaucoup moins nombreux, sauf si, par exemple, le « metavers » devenait un « besoin vital collectif ». La possibilité pour l’humain de subvenir à ses besoins par le travail se réduira donc aussi dans la mesure où la valeur de ce travail sera très subjective et relative, entraînant de plus fortes inégalités. Consécutivement, le management par les technologies sera de moins en moins déshumanisant. Mais dans l’intervalle, il faudra combler les défaillances des machines, donc que des humains continuent d’accomplir des tâches « ingrates ».

Où l’on retrouve le dualisme croissant susceptible de résulter de la politique du « plein emploi », telle que brandie par le gouvernement.

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